Urbanisme

2004 Extrême droite

"Le Corbusier avait érigé la ligne droite en règle absolue de bonne conduite architecturale et urbanistique.

Extraits choisis de ses péremptoires homélies :

...

  • ·        « la droite et l’angle droit tracés à travers le maquis des difficultés et l’ignorance sont la manifestation claire de la force et du vouloir » ;
  • ·        « la rue courbe est le chemin des ânes, la rue droite le chemin des hommes » (comme si apprécier Rochefort impliquait de mépriser Manosque …) ;
  • ·        Et, sans prétendre à l’exhaustivité tant la rectitude géométrique a marqué le Maître : « l’homme traçant des droites témoigne qu’il s’est assagi, qu’il entre dans l’ordre » (le prisonnier alignant des bâtons sur les murs de sa cellule marquerait-il ainsi son cheminement vers l’ordre ?) "   

 

Croquis montrant une autostrade et une barre
Avenir radieux selon Le Corbusier...

Selon le visionnaire, la voiture individuelle devait tenir une place prééminente, voire envahissante : « l’automobile a fait les affaires et les affaires développent l’automobile, sans limite prévisible ».

Pour répondre à ce déferlement, les parallélépipèdes alignés comme à la parade devaient être traversés par des autostrades gigantesques, des « autodromes de grande traversée ».

Paris ne pouvait échapper à cette vision futuriste (qui m’évoque le film de Fritz Lang Metropolis).

Bande annonce de Metropolis, 1 minute 40

Croquis autoroutes parisiennes
Paris revu et corrigé par Le Corbusier

Pour ce faire, Le Corbusier proposa en 1925 le « plan Voisin pour Paris » qui prévoyait de raser les quartiers centraux de la rive droite pour les remplacer par une sorte de Sarcelles-sur-Seine. En guise d’épitaphe annoncée : « c’était la ville inféconde, fermée, étroite, égoïste – prémachiniste ».

Fâcheusement, selon lui, « l’homme qui avait fait le plus pour l’habitation », selon lui, avait été entravé par « des gens n’ayant pas qualité pour cela », toujours selon lui : Paris ne bénéficierait jamais de ses riches idées.

Plan Voisin pour Paris
Plan Voisin pour Paris

Simulation en 3D du plan Voisin pour Paris, 3 minutes

 

Cependant, ses conceptions carrées – et, sans doute la facilité de leur mise en œuvre – continuaient à inspirer bon nombre d’architectes et d’urbanistes.

 

En 2004, j’avais bien sûr vu des images du musée Guggenheim de Bilbao (inauguré cinq ans auparavant) mais les vacances de Pâques nous donnaient une occasion de le visiter. Sur place, je me rendais mieux compte de la beauté et de l’originalité de l’ouvrage, surtout de sa remarquable insertion dans un environnement qu’il transfigurait. Implanté sur les lieux de friches industrielles, sans prétendre par conséquent remplacer et surpasser quoi que ce soit ayant une valeur architecturale jugée surannée, l’ouvrage apportait un témoignage vraiment moderne par le choix du titane comme matériau de couverture mais aussi par sa conception audacieusement assistée par ordinateur.

 

Formes géométriques du musée
Musée Guggenheim (photo Phillip Maiwald - Nikopol)

Des brefs reportages télévisés, je n’avais retenu que les formes ondulantes du musée. Sur place, je constatais que l’architecte n’était pas l’antithèse de Le Corbusier, un dogmatique de la ligne courbe, et que le bâtiment recelait aussi des formes très rectilignes.

On pourra certes objecter que la conception d’un musée offre un plus haut degré de liberté que celle d’un immeuble d’habitation à loyer modéré.

A chacun de juger si cette objection est recevable en comparant la réalisation de Franck Gehry à Bilbao avec le musée d’art occidental de Tokyo érigé par Le Corbusier.

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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