Complot

Un complot implique des comploteurs. Le complotisme peut n'être que l'invention d'un complot sans comploteurs identifiés.

Ce qui ne démonte pas les fabulateurs de complots qui assènent alors la réponse imparable "justement, c'est parce qu'ils sont très forts".

"   L'écriture de cette chronique est née d'une interrogation: pourquoi les complots, unanimement associés aux mots «secret» et «mystère», ont-ils conduit récemment à la création du mot complotisme, lequel complotisme se manifeste précisément par la prolifération à visage découvert, et le plus souvent à cor et à cri, des bobards les plus éhontés?

 

J'avais d'ailleurs illustré dans une précédente chronique cette forme de bobard par la notion de «faits alternatifs» ne constituant rien moins que la négation de faits avérés.

Pages du Larousse avec les définitions de complotisme comploteur ...

Le terme complotisme, qui fait flores dans les média du 21ème siècle, ne désigne pas d'abord les comploteurs qui ont une longue tradition de «dessins secrets avec l'intention de nuire à une institution ou à personnage, éventuellement d'attenter à sa vie ou à son intégrité» selon une définition du dictionnaire du CNRS.

 

Le mot “complotisme” fait son entrée dans le Petit Larousse 2017, Consporacywatch, 12 5 2016, texte et illustrations

 

Il ne fait son apparition dans le Petit Larousse qu'en 2017 et je ne serais surpris que l'Académie Française l'aie ainsi laissé s'installer si je n'avais constaté – et regretté –, dans une autre chronique consacrée à l'orthographe, des précédents du même tonneau. Ce qui rend plus surprenant la carence de l'Académie Française dans le cas du mot complotisme tient à la juste leçon qu'elle donne sur son propre site quant à l'utilisation du suffixe en isme réservé à «la composition de mots désignant des courants de pensée philosophiques ou politiques» (marxisme, gaullisme …) et, plus encore, à la stigmatisation de «l'abus de ce suffixe pour former des néologismes peu clairs qui témoigne le plus souvent de paresse dans la recherche de l'expression juste». On ne saurait mieux dire...

Construction en -isme, Site de l'Académie française, 7 2 2013, texte

 

Comme dans le cas de la création superflue de mots nouveaux («fake news», infox …) pour qualifier des bobards, un mot pré-existant convient très bien à cette «philosophie»: la fabulation décrite dans l'une de ses acceptions comme la «tendance à présenter des récits imaginaires, de façon plus ou moins organisée et cohérente comme étant réels».

Le dictionnaire de médecine Flammarion (édition de 1975) à l'origine de cette définition ajoute que «la fabulation ne s'accompagne pas obligatoirement de l'intention de tromper, le sujet croyant lui-même, en partie, à ses récits. Considérée comme normale chez le jeune enfant, la fabulation est pathologique chez l'adulte».

 

Note illustrative : En août 2020, le Washington Post comptabilisait 20 000 mensonges à l'actif de Donald Trump depuis son élection. Et c'était alors sans compter la fable à venir de l'élection la plus truquée jamais vue aux États-Unis.

 

Mais il ne suffit pas de qualifier les choses pour les comprendre, même si cela y contribue. Des questions sont posées auxquelles cette chronique a le seul objectif d'apporter (et égoïstement d'abord, de m'apporter) quelque clarification après avoir compulsé certains des nombreux ouvrages sur ce sujet.

 

Pour ce faire, je traiterai successivement:

  • en 1961, des complots fomentés pour influer sur le sort de l'Algérie, complots dont les responsables avancent avec ou sans masques,

  • en 2018, la révélation d'un complot à l'ancienne mais ayant recours à des technologies nouvelles pour exploiter des données personnelles et potentiellement sensibles à des fins politiques (transposition de la publicité ciblée qui sélectionne ce que la cible est prête à gober). Il s'agit du scandale Cambridge Analytica qui a la particularité de conjuguer des comploteurs initialement dans l'ombre à d'illustres fabulateurs sélectionnant et déformant les données fournies à leur profit,

  • enfin, soixante ans après l'année des complots en France, nous examinerons les diverses formes de fabulations connues sous le terme de complotisme pour tenter d'en comprendre les origines et d'en évaluer les périls.   "

Pour écrire cette chronique, j'ai consulté les ouvrages suivants : 

Histoire de la guerre d'indépendance Algérienne, Sylvie Thenault, Flammarion 2005

L'entrée dans la vie, Marc Ferro, Tallandier 2020

OAS, histoire de la guerre franco-française, Rémi Kauffer, Éditions du Seuil 2002

La face cachée de la guerre d'Algérie, chapitre de Paul-Marie de la Gorce, Historia thématique n°76,2002

Les harkis, Tom Charbit, La Découverte 2006

Mindfuck – Le complot Cambridge Analytica, Christopher Wylie, Grasset 2019

Le symptôme complotiste, Julien Cueille , Eires 2020

L'ère complotiste, Marie Peltier, Les Petits Matins 2006

Politiques et fake news scolaires. La production de l'ignorance, Pierre Merle, Le bord de l'eau 2019

Post-vérité, Matthew d'Ancona, Plein Jour 2017

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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