Bamboche

Le Préfet Pierre Pouessel
Le Préfet de la région Centre-Val de Loire

"   Le mot bamboche fait irruption dans les média le 26 octobre 2020. Il est prononcé par le Préfet de la région Centre-Val de Loire pour qualifier l'effet escompté des restrictions de déplacements instaurées afin de tenter de ralentir la «deuxième vague» du coronavirus: «la bamboche, c'est terminé».

"La bamboche, c'est terminé" par le Préfet Pierre Pouëssel, 26 10 2020, 5 sec.

Peinture Bruegel

Je ne me plaindrai pas que le Préfet ait préféré sortir un mot de l'ombre dans laquelle il était tombé plutôt que de céder à la facilité d'un «les partys, c'est fini».

Cependant, la connotation moralisatrice de la prescription qui assimile bamboche à des synonymes tels que bamboula, bombance, bringue, fredaine, nouba, ripailles … exclut bien à tort des rassemblements qui n'entrent pas dans une perspective de débauche mais sont tout aussi périlleux par rapport à la diffusion du coronavirus, à commencer par les rassemblements religieux comme on l'avait constaté avec celui de Mulhouse en février.

 

Il n'est pas assuré non plus que les jeunes, sans doute premiers visés par la diatribe du Préfet, à supposer qu'ils connaissent le sens du mot, se sentent concernés par la bamboche et par ses synonymes quelque peu surannés.

Aussi me semble t'il utile de rappeler d'où vient ce mot et quel a été son parcours plutôt tortueux. Son origine est italienne. Dans le Robert-Collins italien, bamboccio est traduit, de nos jours, par poupon, poupée ou grand bébé, traductions auxquelles s'ajoutent du 16ème jusqu'au milieu du 20ème siècle enfant grassouillet et maladroit, mais aussi marionnette de grande taille. On peut imaginer – mais je n'ai rien trouvé qui l'atteste formellement – que le glissement vers le sens donné par le Préfet a à voir avec le fait que les bambocheurs se donnent en spectacle comme le font des marionnettes (et il y a un peu de cela dans les dandinements saccadés des danseurs sur de la musique dite techno).

Définitions de bamboche dans le dictionnaire CNTRL

A propos de bamboche, Dis-moi Robert, Le Robert, 10 11 2020, texte

Pieter Van Laer - autoportrait
Pieter Van Laer - autoportrait

Le surnom Bamboccio avait en outre été attribué au peintre hollandais Pieter Van Laer en raison de son physique disgracieux. De cela découlent des bambochades, œuvres réalisées par Pieter Van Laer et nombre d'autres artistes, lesquelles ont pour sujet une scène représentant la vie quotidienne du peuple de manière burlesque, proche de la caricature.

 

Bambochades

Dans le sens que lui donne le Préfet, bamboche se trouve dans des livres d'auteurs du 19ème siècle (Alphonse Daudet) et du 20ème (Jean Giono dans le hussard sur le toit publié en 1951, donc durant la période qui nous concerne ici).

 

L'utilisation la plus récente que je lui connaisse (avant la sortie du Préfet) date de l'élection présidentielle de 1965. De Gaulle, mis en ballottage au premier tour s'essaie à des entretiens au coin du feu avec Michel Droit et, sur le thème du changement et du désordre, illustre ce dernier par le fait de bambocher.

1965 sera donc notre première étape sous le titre chienlit festive, chienlit étant un autre mot vieilli qu'utilisera De Gaulle au sujet des événements de mai 1968.

 

Au début des années 90, on enregistre l'apparition des «rave partys» à base de musique dite «underground». Je traduirais bien «rave party» par fête extatique ou mieux hallucinée tant les drogues hallucinogènes lui sont associées. Quant à la musique «underground» qui transmute les danseurs en marionnettes désarticulées, je la situerais plutôt au ras des pâquerettes tant ses mélopées sont simplistes et entêtantes.

1993, année de la première apparition à la télévision de cette forme de rassemblement, sera notre deuxième étape intitulée dandinements et ahanements.

 

Pour le passage de 2020 à 2021, une fête hallucinée rassemble 2500 personnes au mépris des précautions demandées à tous les citoyens et des conséquences dramatiques prévisibles (la forme de bamboche que stigmatisait précisément le Préfet).

A cette étape de janvier 2021, le titre danse de mort s'est imposé à moi  "

 

Afin de savoir d'où venait la "musique techno", j'ai parcouru les ouvrages suivants :

Techno Rebelle, Ariel Kyrou, Denoël 2002

L'univers des «raves» in Agora n°7 Les jeunes et la fête, Claude Fouillen, L'Harmattan 1997

Machine Soul - Histoire de la techno, Jon Savage, 1993 traduction aux Éditions Allia en 2011

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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