Sabotier

Echoppe de sabotier
Sabotier à Avessac (Loire)

"  Depuis quelques années, mon attention est régulièrement attirée par des titres de gazettes annonçant la prochaine ou déjà constatée «disparition du dernier sabotier» de telle ou telle région.

L'un des derniers sabotiers de France ferme sa boutique faute de repreneur, La Gazette; 3 12 2020, texte et illustrations

Un sabotier ne sera pas remplacé, La gazette du Centre Morbihan; 30 12 2020, texte et illustrations

 

Connaissant peu ce métier et son histoire ancienne et récente, je ne pouvais manquer de lui consacrer une chronique.

 

Quand on se penche sur un métier sans gloire, qui plus est destiné à satisfaire les besoins de clients modestes et majoritairement ruraux, les informations ne sont pas disponibles à foison.

Enseigne : l'esclopier

Le mot de sabotier apparaît dans la littérature entre 1480 et 1520 mais cela n'implique pas du tout que sabots et sabotiers n'existaient pas auparavant. Au 13ème siècle, sabotier en occitan se dit esclopier, un mot qui vient probablement du mot latin sculponeus et, sculponeus signifiant sabot, on remonte ainsi un peu plus loin dans le temps; peut-être plus loin encore:

  •  la fabrication de sabots ne requiert qu'un outillage rudimentaire réalisable depuis des centaines d'années avant JC,
Sabotiers en forêt
  • le métier de sabotier souvent exercé par des «hommes des bois» jusqu'au 19ème siècle n'était peut être pas reconnu comme tel ou bien désigné encore différemment avant le 13ème siècle. Ainsi, dans le dictionnaire des métiers oubliés publié en 2006, j'observe que des «métiers oubliés» ont souvent simplement changé de nom, autre exemple avec le  savetier de Jean de la Fontaine (au 17ème siècle) devenu cordonnier,

  • le fait que le bois soit putrescible n'aide pas à découvrir des traces anciennes,

  • les sabots sont des objets d'usage sans grande valeur, utilisés dans les campagnes par des personnes humbles, pas des chaussures luxueuses affichant un statut social et que l'on conserve précieusement.

 

La quantification du nombre de sabotiers dans la période qui nous concerne ici est également difficile du fait de la rareté des informations disponibles. Un seul article fournit des données assez détaillées mais il a été écrit en 1935 et porte sur la période s'étendant de 1870 à 1934.

L'industrie des sabots et galoches en France et particulièrement dans le Sud-Ouest, Persée, chronique de J.Daydé, 1935

Tableau chiffré

 

Selon cette source, en 1870, il y avait en France 25000 sabotiers exerçant leur activité uniquement avec des outils. En 1934, ils n'étaient plus que 12000 mais leur production annuelle avait peu chuté (de 37,5 millions de paires à 35 millions) du fait de l'utilisation de machines, tout particulièrement de 1910 à 1920 (passant de 45 à 500 unités), une multiplication par plus de dix que Gérard Boutet explique par les dotations affectées aux soldats durant la guerre 14-18.

 

L'envolée de la mécanisation se poursuit pour atteindre 2250 unités en 1934, la production à la main est alors tombée à 18 millions de paires tandis que celle assistée mécaniquement atteint 17 millions.

 

A partir de 1934, plus de résultats quantifiés et un tant soit peu documentés, seulement des nombres assénés ponctuellement dans des textes déposés sur internet:

  •  en 1970, on comptait encore 196 sabotiers,

Les 3 derniers Bretons, Le télégramme, 6 9 2020, texte

  • en 2019, le nombre devient un chiffre avec 8 et même 4 selon une autre source,

Michel le sabotier, dernier héritier d'un savoir-faire du Finistère, Météo à la carte, 3 12 2019, 5 minutes 40

Il n'en reste que quatre en France, Ouest France, 22 2 2019, texte et illustrations,

  • mais en 2021, un autre auteur en dénombre une quinzaine (alors que de nouvelles installations sont peu vraisemblables).

Romain, le dernier sabotier alsacien, météo à la carte, 25 5 2021, 5 minutes 50

 

Sur la «période baby-boomer», on ne peut émettre que des hypothèses. Sans doute à la fin des années quarante le nombre avait-il continué à chuter par rapport à 1934 (il n'avait plus été question de doter les soldats de sabots en 39-40 …) mais sans toutefois passer au-dessous de 7000. La dégringolade de 7000 à environ 200 vingt ans plus tard s'expliquerait par la modification profonde de l'agriculture et des agriculteurs durant cette période (diminution du nombre des exploitations, mécanisation ...)

 

Les trois étapes ici considérées seront les suivantes:

  • 1953, Artisan en sabotages: les sabotiers sont encore en nombre. Certains exercent toujours à l'ancienne, d'autres de plus en plus nombreux se sont dotés de machines,

  • 1975, Chausseurs galochiers : la mode est aux sabots suédois, en fait des galoches produites le plus souvent industriellement;

  • 2021, Imprimeurs de sabots (?) : une nouvelle technologie émerge, l'impression 3D, qui pourrait permettre de produire écologiquement des sabots et, peut-être, à des prix compétitifs.   "

 

 

 

Pour préparer cette chronique, j'ai consulté les ouvrages suivants :

Les métiers retrouvés, Alain Guillard, Albanel 2002

Dictionnaire des métiers oubliés, Albine Novarino, Omnibus 2006

L'industrie des sabots et galoches, J. Daydé, Persée 1935

La France en héritage 1850-1960, Gérard Boutet, Perrin 2007

La guerre en sabots, Gérard Boutet, Jean-Cyrille Godefroy 1984

Le grand livre de l'impression 3D, Mathilde Berchon, Editions Eyrolles 2020

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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