Urbanisme

1958 Quartiers de salubrité

"En France et particulièrement à Paris où je vivais, on avait peu construit avant la guerre. En 1953, la moyenne d’âge des constructions y atteignait 120 ans (de l’ordre de 100 ans dans le reste du pays). Les bombardements (500 000 logements détruits), la poussée démographique du baby-boom et le mouvement de populations rurales vers les villes avaient accru la pénurie."

Reconstruction d'Orléans :  cadres de fenêtres en béton préfabriqué
Reconstruction d'Orléans : cadres de fenêtres en béton préfabriqué

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"Ainsi furent créés des ilots de rénovation dont celui du quartier Glacière dans le treizième arrondissement. Par rénovation, on n’entendait pas alors réhabilitation mais une opération faisant du passé table rase suivie d’une densification en hauteur. Le modernisme passait nécessairement par le béton, par les éléments préfabriqués assemblés selon des méthodes voisines de celles de l’industrie (la grue juchée sur des rails se déplaçant au fur et à mesure de la construction rappelle les chaînes de montage des usines d’automobiles).

Le périmètre de l’ilot Glacière auquel devait être appliqué ce traitement radical était délimité au nord par le boulevard Blanqui et à l’ouest par l’asile d’aliénés Sainte Anne (c'était le terme utilisé à cette époque)."

Premier plan à droite 103 rue de la Glacière; Second plan : l'"ilot" Glacière
Premier plan à droite 103 rue de la Glacière; Second plan : l'"ilot" Glacière

"Au sud, la limite était fluctuante et j’en étais parfaitement informé car des amis de mes parents habitaient au 103 rue de la Glacière et s’inquiétaient évidemment du devenir de leur logis.

Ces personnes, à la retraite, vivaient ici depuis longtemps, y avaient leurs habitudes. La perspective de voir rasée toute une partie de leur cadre de vie les consternait mais le risque que leur immeuble soit inclus dans le périmètre « de rénovation » les affolait plus encore.

Leur immeuble de quatre étages était certes modeste mais l’appartement disposait de l’eau courante (en 1954, 21% des logements en région parisienne n’en disposaient pas ) et les WC étaient à l’intérieur de leur « 2 pièces-cuisine » (selon la même référence, ce n’était le cas que de la moitié des logis). Pour se chauffer, ils devaient s’acquitter de la corvée du seau à charbon comme 74% de leurs contemporains et le cabinet de toilette n’était équipé ni de douche, ni de baignoire (cela restait l’apanage de 18% de privilégiés). Alors, l’éventualité d’accéder au « confort moderne » au prix de charges plus élevées et au risque d’être extradé dans une banlieue ne les enthousiasmait pas du tout."

 

"Du boulevard Blanqui, flanqué de sa ligne de métro aérienne au 103, on traversait un quartier assez disparate dont certaines séquences du film de Jacques Tati « Mon oncle » peuvent donner une idée assez juste."

 

Court extrait de "Mon oncle" tourné en 1958 (une minute 20)

 

"Les bâtiments y étaient en majorité de faible hauteur et les portails laissaient discerner des cours intérieures pas vraiment reluisantes. Au fond de l’une d’elles, il y avait un petit cinéma qui tenait de la salle paroissiale (j’y étais allé une fois ou deux). A l’intérieur de l « ilot Glacière », il y avait certes quelques pâtés de maisons pouilleux mais l’ensemble ne semblait pas miséreux. Selon le souvenir que j’en garde, ne se dégageaient pas d’odeurs nauséabondes mais peut-être celles-ci étaient-elles masquées par les effluves de houblon qui s’échappaient en abondance de la Brasserie de Lutèce, au droit de la station de métro Glacière, sur le boulevard Blanqui."

L'ilot Glacière avant et après rénovation (en haut, le boulevard Blanqui et la station de métro Glacière; en bas, le 103 rue de la Glacière; à gauche, l'"asile" Sainte-Anne)

Taux de décèse lié à la tuberculose selon les quartiers de Paris
Taux de décèse lié à la tuberculose selon les quartiers de Paris

"Des statistiques avaient bien montré une relation entre la pénétration de la tuberculose (une affection que l’on avait commencé à éradiquer dans les années cinquante) et la richesse des constructions selon les quartiers de la capitale mais il n’était pas établi que l’habitat soit le seul en corrélation avec le taux de décès. Sans doute le mode de vie (nourriture, hygiène personnelle, degré de dépendance à l’alcool et au tabac …) et les conditions de travail y contribuaient-ils aussi".

Dans l'abécédaire est également abordé l'urbanisme de la banlieue

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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