Starteupe

"   Chacun aura aisément identifié que ce mot, absent des dictionnaires, constitue une version francisée du mot start-up dont l'utilisation ancienne (start-up company en usage depuis le début du 20ème siècle) est aujourd'hui devenue courante même si elle est parfois impropre ou approximative.

 

En opérant cette francisation, je ne fais que m'inscrire dans une lignée d'illustres écrivains comme Jean Dutourd (louque, coule, crache …) et, plus spécifiquement, pour starteupe de Marcel Aymé qui transformait dans les années 50 le mot pick-up (alors employé pour électrophone ou tourne-disques) en piqueupe.

 

Mais convient-il d'adopter un nouveau mot?

 

N'en n'existe t'il pas déjà un qui ferait l'affaire?

 

Les lecteurs fidèles se souviennent qu'à cette question concernant les feïqueniouzes, nous avions conclu que bobard convenait parfaitement et que la nécessité de créer infox qui avait mobilisé des experts était par conséquent superfétatoire.

 

Ici, les équivalences proposées passent par des locutions:

  • «entreprise en démarrage» est factuellement exact mais ne rend pas compté de la spécificité de ces entreprises, spécificité que nous allons tenter de préciser;

  • «jeune pousse», métaphore potagère, pour être appropriée n'en demeure pas moins inintelligible hors contexte pour les non-initiés.

Histogramme démontrant une croissance forte

La création d'un nouveau mot n'est donc pas dénuée de justification. Et quitte à créer un nouveau mot, autant lui donner une consonance française. Tel devrait être le rôle de l'Académie Française si elle ne limitait actuellement son ambition à celle d'un «greffier de l'usage».

 

Ce point étant acquis, il convient de préciser ce qui distingue une starteupe de la petite entreprise d'un plombier ou d'un marchand de primeurs. De mes lectures, je constate que les auteurs d'ouvrages consacrés à ce sujet avancent deux différences principales:

  • la starteupe commercialise un produit innovant, l'innovation pouvant être celle du produit lui-même (du type concours Lépine à Tesla dans l'espace …) ou bien celle du processus nouveau qui bouleverse celui établi (par exemple Uber et ses pseudo-taxis);

  • le créateur d'une starteupe se donne des objectifs de croissance forte (la starteupe est aussi assimilée à une fusée) et de réussite financière, ambition justifiée par le caractère reproductible de son modèle (par exemple Uber étendant progressivement son modèle à toutes les cités où il peut être profitable).

Dessin d'une fusée marquée start-up

Ce cadre élimine a priori des entrepreneurs (artisans et commerçants) qui «se mettent à leur compte» pour exercer leur profession même si certains (coiffeurs et boulangers par exemple) parviennent à dépasser le stade du petit négoce en créant des marques franchisables.

Pour traiter des starteupes, j'ai choisi deux années:

  • 2000: la notion de starteupe, illustrée par les succès fulgurants d'entreprises innovantes (des «boîtes à idées») dans le domaine de l'informatique (particulièrement Apple et Microsoft), prend une dimension «grand public» avec le premier reportage télévisé recensé par l'INA consacré aux investisseurs qui financent des strarteupes (élevés au rang d'anges des affaires) et une autre consacrée aux lexicographes (qui se contentent d'entériner la version originale en l'expliquant en français),

Euros dotés d'ailes faisant d'eux des anges des affaires (business angels)
Euros dotés d'ailes faisant d'eux des anges des affaires (business angels)
  • 2019: une petite vingtaine d'années plus tard quand certaines starteupes ont atteint la puissance financière de pays et quand d'autres (ou les mêmes) bouleversent des processus et des métiers, bouleversements aux conséquences positives comme négatives. Changer la vie n'implique pas nécessairement de l'améliorer ...   "

Pour traiter ce sujet, je me suis aidé des références suivantes :

La tête des autres, Marcel Aymé, Le livre de poche 1967

Une cause nationale: l'orthographe française, Bernard Traimond, Ethnologies PUF 2001

Renault, un siècle de création automobile, Claude Le Maître et Jean-Louis Loubet, ETAI 2017

Le nouveau monde, c'est lui! (Ren Zhengfei, créateur de Huawei), Le Point n°2444, 4 juillet 2019

La ruée des licornes- Start-up, une révolution mondiale, Nicolas Hazard et Anne Rodier, Lemieux éditeur 2017

 

Start-up – Arrêtons la mascarade, Nicolas Menet et Benjamin Zimmer, Dunod 2018

 

Bienvenue dans le nouveau monde, Mathilde Ramadier, Premier Parallèle 2017

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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