Le que sais-je de Jacques Gauchy consacré au cheval quantifie la cruelle réalité de cette déchéance:

• en 18 ans, de 1948 à 1966, l'effectif des chevaux diminue de plus de moitié,

• dans les 12 années suivantes, de 1966 à 1978, il baisse encore de près des deux tiers.

Le cheval disparaît du paysage dans les villes et d'abord à Paris, dans les campagnes ensuite. Ainsi:

• en 1945, on dénombre 1 cheval pour 17,57 habitants,

• en 1978, il n'y en a plus qu'un pour 127,8 habitants

et le cheval apparaît désormais plus souvent à domicile, dans l'assiette pour sa viande et sur l'écran de télévision pour le tiercé.

L'incidence sur l'effectif des maréchaux-ferrants est évidente et forte mais difficile à affirmer avec précision faute de sources documentées (ou du moins n'ai-je pas pu les localiser):

• Il y en aurait eu de l'ordre de 5000 à la fin du 19ème siècle,

• seuls 400 subsisteraient à la fin des années 70

valeurs dont on peut émettre l'hypothèse d'une baisse de 3000 à 4000 de l'effectif des maréchaux-ferrants sur la "période baby-boomer".

Cependant, ce point bas est suivi d'un rebond lié à l'utilisation du cheval comme compagnon de loisirs. La profession renaît alors sous une forme différente.

Cette histoire bouleversée récente sera ici décomposée en 3 étapes:

1952 Le boulevard des maréchaux

L'expression familière «ouvrir un boulevard» s'applique à une situation que les circonstances favorisent. Dans notre cas, la nécessité vitale de disposer depuis des siècles de chevaux opérationnels pour supporter l'économie locale et les transports confère au maréchal-ferrant un rôle essentiel, privilégié.

Longtemps il a fait fonction de vétérinaire des chevaux avant la création de ce métier au 18ème siècle et Gérard Boutet le plaçait en 1995 au premier rang des métiers prédestinés au «guérissage» des hommes jusqu'à la première moitié du 20ème siècle.

Ce titre n'a évidemment rien à voir avec les boulevards des maréchaux qui ceinturent la capitale, boulevards initialement attribués à des maréchaux du 1er Empire.

1978 Extinction des feux

Cette expression, née avant l'électricité et usitée dans le milieu militaire, s'applique ici à l'extinction des feux des forges des maréchaux-ferrants.

2022 Maréchale des logis

Troisième détournement d'un assemblage de mots pour cette troisième étape. Dans le langage militaire, le maréchal des logis était le sous-officier responsable des écuries, maréchal étant l'équivalent selon Lena Nguyen de «ministre du cheval» en référence à son étymologie. Il est d'ailleurs curieux d'avoir repris ce terme pour le concéder – rarement - à des généraux émérites.

Ici le titre est mentionné au féminin pour marquer l'apparition – très limitée - des femmes dans cette profession. Autre changement: le maréchal-ferrant a rarement conservé son local et sa forge, il se déplace en camionnette chez ses clients, dans leurs logis ...   "

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Pour préparer cette chronique, j'ai consulté les ouvrages suivants :

Le cheval, Jacques Gendry, Que sais-je? 1981,

Aux beaux jours d'hier, Gérard Boutet, Jean-Cyrille Godefroy 1995

Je suis maréchal-ferrant, Lena Nguyen, Les éditions du Cerf 1997

Le maréchal-ferrant, Catherine Vaudour et Brigitte Hermann, Berget-Levrault 1979

L'aventure agricole de la France de 1945 à nos jours, Jean Chombart de Lauwe, PUF 1979

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

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