Chaises à louer

Jardin du Luxembourg en 1968
Jardin du Luxembourg en 1968

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"  Durant la deuxième moitié du 20ème siècle, la location de chaises dans les jardins publics a disparu (pas toujours les chaises) tandis que la multiplication des plages privées a fait prospérer le marché des chaises en location de courte durée – chaises exclusivement longues – particulièrement – mais pas seulement – sur les côtes de la Méditerranée.

 

Les mots utilisés pour qualifier les personnes chargées de s'occuper de ce service ont changé: hier, on parlait de chaisières; aujourd'hui, les euphémismes valorisants ayant sévi, ne subsistent que des plagistes.

Fabricant de chaises : chaisier
Fabricant de chaises : chaisier

La chaisière, métier de fait exercé uniquement par des femmes, avait un homologue masculin, le chaisier mais celui-là fabriquait artisanalement des chaises qu'il vendait dans son commerce ambulant. Peut-être parce que ce métier était né en Italie, durant mon enfance je n'entendis jamais parler de chaisiers parmi les colporteurs qui existaient encore. Seuls subsistent aujourd'hui des rempailleurs offrant leurs services dans les marchés, donc qui ne sont pas, à proprement parler, des colporteurs.

On voit bien les plaques en cuivre sur cette photo
On voit bien les plaques en cuivre sur cette photo

Des chaisières d'églises, il y en avait peut-être mais je n'en ai pas gardé le souvenir. Je me souviens par contre des plaques en cuivre qui étaient scellées sur les bancs près du chœur de la petite église du Locheur. La cousine qui nous accueillait avait ainsi son banc attitré et réservé, privilège qu'elle devait sans aucun doute à des largesses consenties au curé et à ses «bonnes œuvres», une location de longue durée en quelque sorte.

Plaques en cuivre également à Civaux dans la Vienne, texte

Souvenirs d'une chaisière d'église à Perpezac le Blanc en Corrèze, 8 minutes 40 

 

Les chaisières, qu'elles soient d'églises ou de jardins, allaient inspirer de grands auteurs, que l'on songe à «L'iris de Suse» de Jean Giono, au «Bal des voleurs» de Jean Anouilh ou bien entendu aux «Chaises» de Eugène Ionesco.

 

Par contre, les plagistes ne se sont guère vu attribuer de grands rôles par de grands auteurs. La recherche dans la bibliothèque de Google ne fait guère surgir fortuitement et dans des rôles secondaires que des plagistes hommes souvent musculeux, charmeurs et superficiels, intermittents du spectacle côtier qui jouent les utilités comme l'on dit au théâtre.

Je note toutefois une exception avec le premier livre pour enfants publié fin 2017 par Elena Ferrante «La plage dans la nuit» avec en vedette inquiétante un «cruel plagiste».

 

Les références les plus anciennes (du moins celles que j'ai trouvées) remontent à la fin des années 50, ce qui est cohérent avec le développement des plages privées sur la côte d'azur.

 

Je m'attarderai ici sur trois années:

  • 1952: les chaisières des jardins des plantes et du Luxembourg à Paris,

  • 1974: la fin des chaisières et l'avènement des plagistes, plus spécifiquement à Juan-les-pins,

  • 2018: la réglementation des plages privées que l'on commence enfin à appliquer à Juan-les-pins… et son incidence sur le marché de la location de chaises longues. "

Les ouvrages utilisés et cités pour cette chronique sont les suivants :

 

Ainsi va l'homme en ses métiers, Marc Privat et Madeleine Jaffeux, Leb 1999

L'iris de Suse, Jean Giono, Gallimard 2017

Le bal des voleurs, Jean Anouilh, Folio Jeunesse 2012

Les chaises, Eugène Ionesco, Folio 2013

La plage dans la nuit, Elena Ferrante, Gallimard-Jeunesse 2017

Sur la plage, Jean-Didier Urbain, Essais Payot 1994

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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