Franchises

2019 Marques, remarques

Situation fin 2018 (source : FFF)
Situation fin 2018 (source : FFF)

"   Nous avons vu que le principe consistant à dédier des commerces à des marques, loin d'être apparu récemment, remontait en fait à la seconde moitié du 19ème siècle.

 

Cependant, en France, l'envol des franchises débute avec les années 70: en 1971, on dénombre 34 réseaux; en 2018, il y en a 2004.

Evolution de la franchise depuis 1970, Fédération Française de la Franchise (FFF), texte, 2018  

 

De 1970, notre précédente étape, à 2019, année de l'écriture de cette chronique, la progression est constante et gagne des créneaux inattendus. Ainsi par exemple de ce franchiseur proposant ses services pour maîtriser la ponte de petits élevages de poules.

 

Du franchiseur d'un réseau d'hypermarchés à cet expert en gallinacées il y a évidemment des différences. Néanmoins, tous les franchisés doivent répondre aux mêmes types d'exigences des franchiseurs:

  • adhérer au concept et à des signes distinctifs définis contractuellement,

  • s'acquitter de droits d'entrée dans le réseau et disposer d'un apport personnel permettant notamment de créer un commerce répondant aux signes distinctifs de l'appartenance à ce réseau,

  • verser ensuite une redevance périodique, souvent exprimée en pourcentage du chiffre d'affaires (apparemment jamais du bénéfice …).

 Les conditions d'accès au réseau, qui figurent sur des sites spécialisés, varient évidemment dans des proportions considérables selon l'envergure des volumes d'affaires escomptés mais il est probable qu'elles sont susceptibles de donner lieu à négociation quand le franchiseur guigne une place lucrative et/ou que le franchisé apporte des garanties du fait de son expérience et de sa solidité financière.

 

La contrepartie apportée au franchisé est liée à un accompagnement professionnel (conseil, tutorat, formation …) et à un apport de clients fonction de la notoriété de la marque (publicité au plan national). Quand la franchise porte sur la commercialisation de produits, il est également possible que ceux-ci soient fournis à des conditions plus avantageuses grâce au recours à des achats groupés.

Sur un site internet de franchiseurs, cette formule s'affiche: «Devenir chef d'entreprise sans vous sentir seul, la franchise vous le permet, alors n'hésitez pas!».

Cet argument peut cependant s'avérer fallacieux, ainsi que l'illustrent des cas rapportés par la presse durant ces dernières années:

  • quand le franchiseur ne garantit pas au franchisé un territoire d'une taille suffisante et peut créer de ce fait une concurrence interne au sein du réseau (et que le meilleur gagne …),

  • quand le franchiseur peut modifier les conditions financières du franchisé ou des supposés autoentrepreneurs qu'il emploie pour faire fonctionner le réseau,

  • si le franchiseur n'a pas la compétence nécessaire pour gérer sa propre affaire ou pour faire appliquer son concept (mal pensé ou insuffisamment testé),

  • si la renommée de la marque est soudainement entachée de scandales notamment sanitaires (produits consommables non conformes voire avariés; chaussures, vêtements ou canapés provoquant des maladies de peau …).

 

La franchise peut alors se retourner contre le «chef d'entreprise» qui redoutait la solitude … D'où sans doute le nombre significatif d'ouvrages publiés à destination des aspirants à la franchise pour les alerter préventivement.

 

Le cas de Subway

Présentation plutôt positive sur FR3, 17 12 2014, 3 minutes 40

Avis très négatif d'Alexis Berger, 18 12 2016, 3 minutes 20

40 franchisés contre Subway, L'Oeil du 20 heures France 2, 10 06 2019, 2 minutes 50

 

Mais, quel est le domaine couvert par les franchisés et quelles formes prennent les franchises?

 

N'ayant pas ici l'ambition de faire le tour d'un sujet sur lequel je ne peux prétendre à aucune légitimité, j'ai choisi de partir à la découverte des commerces de la zone commerciale qui s'est installée sur la commune où je vis depuis plus de quarante ans, zone qui ne cesse de s'étoffer et de diversifier ses services (même si certaines devantures arborent durablement des panonceaux promettant l'ouverture prochaine d'un nouveau négoce …).

Parmi les franchisés présents sur le site, on peut tout d'abord distinguer:

  • des franchises de produits, les plus nombreuses (vêtements, aliments principalement),

  • des franchises de services (coiffeurs notamment).

Et parmi les franchises de produits, on peut établir une distinction entre:

  • celles initialement créées pour écouler une production (comme un magasin de jouets récemment ouvert ici à l'image du précurseur Singer),

  • celles qui ne produisent rien et ont recours à des entreprises pour fabriquer à leur demande et selon leurs spécifications des produits affichant leur marque (comme l'enseigne de produis surgelés implantée depuis quelques années).

De la recherche enseigne par enseigne de l'existence ou non d'un réseau, il ressort – ce qui pour moi a constitué une surprise – un nombre très faible de commerçants vraiment indépendants (sur les dizaines présents sur le site) :

  • la pharmacie,

  • l'artisan multi-services (serrures, ressemelages …),

  • un marchand de chaussures (sur deux),

  • un vendeur de thés et cafés.

A noter qu'il s'agit d'un choix de ces commerçants puisque des réseaux nationaux existent pour ces activités.

 

A contrario sont notamment franchisés:

  • une dizaine de magasins de vêtements,

  • toutes les surfaces spécialisées (bricolage, jardinage, services auto …),

  • les deux enseignes de téléphonie mobile,

  • les quatre opticiens,

  • le bijoutier,

et parmi les plus récemment arrivés:

  • un commerce de vente d'aliments en vrac,

  • un distributeur de cigarettes électroniques.

 

Deuxième découverte pour le néophyte (moi, en l'occurrence): certains commerces qui n'apparaissent pas d'emblée comme franchisés le sont en réalité:

  • une boulangerie arborant le nom et le prénom que l'on attribuerait spontanément volontiers à la boulangère du lieu (et non),

  • un maroquinier n'affichant pas son lien avec un fabricant de mallettes et valises (pourquoi?).

Troisième remarque: pour une partie des commerces, la probabilité d'une franchise ne peut être transformée en certitude. En effet, beaucoup de franchiseurs ont d'abord constitué leur propre réseau et ont eu ultérieurement recours à la franchise pour étendre leur couverture sans mobiliser leurs propres capitaux.

Tel est le cas par exemple du coiffeur qui a donné son nom à ses commerces avant d'avoir recours à la franchise et qui a depuis fait l'acquisition de réseaux concurrents en conservant leurs marques. L'un de ces coiffeurs visant une clientèle moins exigeante est implanté sur le site tandis qu'un troisième salon de coiffure fait partie d'un autre réseau.

On note aussi le cas spécifique d'une marque de vêtements qui a choisi une stratégie à rebours en gérant elle-même l'essentiel de ses magasins.

 

Quatrième remarque: on trouve également des commerces franchisés sans vendeur. Faute d'y avoir porté un intérêt particulier, je pensais que la station de lavage de voitures faisait partie des appendices de l'hypermarché (lui-même franchisé) comme entre autres la parapharmacie ou le hangar servant de dépôt aux emplettes faites sur internet. On cherche dans ce cas la valeur ajoutée du «chef d' entreprise» qui n'a aucune initiative commerciale.

A Orléans, annonce d'une "nouvelle enseigne" (une marque, pas la nature du commerce))
A Orléans, annonce d'une "nouvelle enseigne" (une marque, pas la nature du commerce))

En conclusion, les franchises sont bien omniprésentes (plus que je ne l'aurais pensé avant de consacrer quelque temps à ce sujet). Mais c'est moins la transformation du statut de «chef d'entreprise» que la place prise par les marques (franchisées ou pas,ou partiellement) qui est à l'origine de la banalisation croissante de l'espace public.

 

On peut le regretter (et je le regrette) mais on se doit de constater que cela répond à une demande largement majoritaire des consommateurs ainsi que l'illustre un sondage récemment organisé par le quotidien local La République du Centre. Ce sondage visait à connaître les commerces qui manquent à Orléans. Aucune marque n'était suggérée par les enquêteurs et cependant ce sont des marques (et d'abord des marques de vêtements comme s'il n'y avait pas déjà pléthore) qui ont été très majoritairement avancées.

Les enseignes qui manquent à Orléans, La République du Centre, 14 01 2019,  texte

 

La demande de commerces de proximité indépendants a certes été formulée mais fort peu sont allés jusqu'à préciser des noms de commerces («un bon glacier», «un restaurant avec des produits du sud-ouest») alors que la marque de vêtements en tête du sondage recueillait 872 demandes soit de la part de plus du tiers des personnes interrogées.

 

L'uniformisation du décor n'est donc pas près de disparaître mais une uniformisation par le vide des devantures n'est-elle pas plus redoutable encore?  " 

 Chronique publiée en octobre 2019

 

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Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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