"       La loi d’urgence résultant de la pandémie avait été déclenchée le 23 mars 2020: elle imposait une stricte limitation des déplacements dont découlait une obligation de télétravail dans tous les cas ou cela était possible.

Point épidémiologique du 2 avril 2020, Santé publique France, 02 04 2020, texte

Coronavirus : Le point sur la situation, France Bleu, 17 04 2020, texte et illustrations

Comme elle s’accompagnait d’une fermeture des écoles, les conditions pour travailler au calme à domicile n’étaient pas vraiment réunies, particulièrement par les collaborateurs vivant dans les grandes villes où les mètres carrés étaient comptés à l’aune de montants dispendieux.
Le coronavirus touchait alors surtout les personnes âgées et les chiffres des réanimations concluantes ou non montaient inexorablement en l’absence de vaccins. Fin avril, on comptait déjà 17920 morts en France métropolitaine.

Le télétravail devient la règle, ce n'est "pas une option", prévient Elizabeth Borne, La Tribune, 20 10 2020, texte

Ce premier confinement allait se terminer le 11 mai pour reprendre avec des obligations différentes du 30 octobre au 15 décembre de cette même année, notamment:
    • confinement moins strict,
    • maintien de l’ouverture des écoles mais fermeture des restaurants, des bars et des lieux de divertissement,
le télétravail restant de rigueur mais selon des modalités précisées dans un «accord national interprofessionnel relatif à la mise en œuvre réussie du télétravail» signé le 26 novembre (formellement entré en vigueur le 14 avril 2021), accord couvrant à la fois la situation exceptionnelle du moment et la situation «en temps normal», ce qui constituait une avancée significative.

Accord national interprofessionnel relatif à la mise en œuvre réussie du télétravail, LegiFrance, 26 11 2020, texte

Cependant, malgré ces mesures, on estimait le coronavirus directement à l’origine de 66000 morts fin décembre.

Des vaccins ayant été mis au point, la campagne de vaccination était officiellement lancée le 27 décembre mais je peux témoigner que, y compris pour les personnes âgées, il faudrait encore patienter plusieurs semaines et finalement se déplacer loin (en l’occurrence jusqu’à Pithiviers) pour recevoir enfin la première piqûre.

L’année 2021 voit un troisième confinement du 3 avril au 3 mai avec des mesures différentes des précédentes: les écoles primaires et maternelles sont de nouveau fermées, le port du masque devient obligatoire dans les lieux publics et les déplacements sont désormais autorisés dans un rayon de 10 kilomètres à vol d’oiseau (ce qui m’autorise Orléans ...).

Des livres édités en 2021 entendent répondre à cette préoccupation. J’ai emprunté à la médiathèque d’Orléans trois de ces ouvrages rédigés par des auteurs ayant donc vécu au moins les deux premiers confinements pour voir comment ils en avaient tenu compte et de formuler mes propres commentaires.

J’ai d’abord compulsé «Manager le télétravail et le travail à distance» écrit par un conseiller en management.

Manager le télétravail et le travail à distance, Eyrolles, 2021, texte et illustration

Ce livre a manifestement recueilli un bon accueil puisqu’il s’agit là d’une troisième édition. Cependant, il n’en dégage pas beaucoup d’éléments originaux par rapport à la pandémie en dehors d’une affirmation «Aujourd’hui, un tiers des salariés sont concernés et, à l’horizon 2030, la moitié des emplois seront télétravaillés» que je conteste pour les raisons suivantes:
    • les expressions «salariés concernés» et «emplois télétravaillés» se prêtent à toutes les interprétations;
    • en matière de télétravailleurs, on ne disposait pas avant la pandémie de nombres fiables notamment du fait des «télétravailleurs gris» (cf. l’étape de 2016) et pendant la période de pandémie on avait autre chose à faire que de procéder à des recensements rigoureux;
    • néanmoins, les estimations avancées par l’INSEE comme par Santé Publique France sont déjà en-deça d’un tiers début 2021 (et ce livre a été publié en mars);
    • quant à la prédiction pour 2030, il est facile à l’heure actuelle (mars 2024) au vu des projections des pourcentages estimés depuis lors, de la juger hasardeuse.

Le deuxième ouvrage «Télétravail, le travail du futur?» est également l’œuvre d’un conseiller en management mais le point d’interrogation du titre – comme le contenu d’ailleurs – marque plus de prudence par rapport au futur du télétravail.

Télétravail, le travail du futur ? Eyrolles, 2021, texte et illustration
Il est aussi plus riche en matière de changements survenus durant l’année 2020 et particulièrement sur les progrès résultant de l’accord interprofessionnel de novembre déjà cité, notamment :
    • l’encouragement à des négociations par branches et à la définition de chartes de télétravail par entreprises,
    • les principes de double volontariat employeur/salarié et de prise en charge des frais professionnels,
    • le besoin impérieux de formation des managers au télétravail,
même si de nombreux points demeurent , de mon point de vue, à préciser concernant par exemple :
    • les conditions de recours au télétravail occasionnel (voiture en panne, enfant malade …),
    • la couverture des éventuels dégâts occasionnés par le télétravail à domicile (incendie provoqué par les batteries lithium de l’équipement …),
    • la possibilité de télétravailler en arrêt de travail lorsque cela est médicalement acceptable (pas contagieux, pas maladie momentanément invalidante …).

J’en viens au troisième et dernier ouvrage au titre accrocheur «La supercherie du télétravail», accrocheur mais impropre.

La supercherie du télétravail, Eyrolles, 2021, texte et illustration

N.B. Eyrolles a accueilli des présentations des 3 livres mais n'est l'éditeur d'aucun (voir bibliographie)

Je rappellerai la définition de supercherie: «tromperie plus ou moins habilement calculée et exécutée impliquant généralement la substitution du faux au vrai». Comme le sous-titre de ce livre précise «De l’usage politique des pandémies», il ne s’agirait pas d’un «télétravail trompeur» mais de l’usage qu’en feraient des «politiques» à l’occasion de la pandémie pour imposer le télétravail. J’oserai dire que cette thèse a quelque chose d’une conception complotiste des «politiques».

Que n’aurait-on pas pu reprocher à juste titre à ces «politiques» si, en l’absence de la loi SLIT votée le 30 octobre 2017 pour faire face aux situations d’urgence, ils n’avaient pas été en mesure de déclencher rapidement des mesures d’exception permettant à la fois de maintenir tant bien que mal une activité économique tout en protégeant les salariés.

Loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, Vie publique, 31 10 2017, texte

J’aurais pu comprendre que l’on s’en prenne aux «politiques» quand le Ministre de la Santé prétendait que les masques n’étaient pas utiles au tout-venant (en fait, pour masquer une pénurie de masques qui était explicable par le caractère mondial de la pandémie) et alors même que le cancer campus Gustave Roussy publiait des mesures qui contredisaient cette affirmation (comme d’autres, je m’affublais alors d’un foulard qui avait bien du mal à tenir en place).

Olivier Véran: "L'usage des masques est inutile" en dehors ..., BFM TV, 04 03 2020, 1 minute

Covid-19 News | 6 avril 2020, Gustave Roussy cancer campus, 06 04 2020, texte et illustrations

On aurait pu moquer le gouvernement pour sa communication tapageuse sur le lancement prématuré d’une «campagne de vaccination» suivie d’une longue période de recherches infructueuses de centres de vaccinations disposant de créneaux et de vaccins pour vacciner.

Lancement de la campagne, note aux rédactions d'Ile de France, Ministère de la Santé, 12 2020, texte PDF

Mais, de là à utiliser le mot de supercherie et à l’appliquer à un gouvernement qui serait inspiré par un «paradigme néolibéral» (page19) avec le concours de dirigeants d’entreprises dont «l’enjeu du point de vue de leur intérêt, c’est de normaliser de façon durable une situation créée de fait en situation d’urgence» (page 29), c’est non seulement excessif mais inexact ainsi que la suite l’a démontré. Une partie d’entre ces dirigeants, la situation d’urgence interrompue en juillet 2021, se sont empressés de revenir à la solution antérieure dite «normale», ce sans parler même du «cas Elon Musk», plutôt favorable au télétravail avant la pandémie et s’y déclarant farouchement opposé pour ses entreprises après.

Elon Musk demande « d'arrêter avec cette connerie de télétravail », emploidéveloppez, 17 05 2023, texte

Je résumerai ainsi ce que j’en ai retenu: l’auteur de cet ouvrage, psychothérapeute, a été, du fait-même de son activité professionnelle, confronté à des patients qui supportaient mal cette période (ceux qui n’en étaient pas particulièrement affectés ne consultaient pas...) : il en a tiré une thèse sur la volonté des «politiques» et des dirigeants d’entreprises d’imposer sournoisement un télétravail fantasmé.   "