Baby-boomer
Télétravail
2020 Devoirs à la maison
N.B. Je précise que je n'ai rien changé au texte qui précède, lequel avait été rédigé au printemps 2016.
" Le passage au stade 3 de la pandémie liée à la dissémination du coronavirus en France le 14 mars marque un changement fondamental du statut du télétravail: d'une possibilité d'organisation du travail ouverte à la négociation entre employeurs et salariés, elle devient sine die une obligation partout où cela est possible en application du code du travail remanié en 2017. L'article L 1222-11 de ce texte prévoyait en effet qu'«en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, la mise en œuvre du télétravail soit considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'entreprise et garantir la protection des salariés".
Le recours au télétravail sans formalité, LégiSocial, 19 3 2020, texte
Cet article était à l'époque plutôt passé inaperçu, le changement principal et plus immédiat du texte tenant désormais à l'obligation faite à l'employeur de motiver son refus en réponse à une requête d'un salarié souhaitant bénéficier du télétravail.
Cette obligation de recourir au télétravail instaure de fait un privilège pour les salariés éligibles qui sont ainsi mieux protégés d'un risque potentiellement mortel de contagion et assurés de conserver leur emploi avec l'intégralité de leurs revenus. D'aucuns ont observé que ce privilège était accordé à des salariés déjà bien lotis puisque jusqu'au 17 mars, on comptait une majorité de cadres (plus de 60%) et de salariés disposant d'une situation bien assise (plus de 53% depuis plus de 10 ans dans leur entreprise).
C'est ne pas tenir compte du fait que la population éligible à compter du 17 mars est beaucoup plus large et s'étend notamment à des employés qui étaient jusqu'alors exclus de cet «aménagement du poste de travail» que ce soit de leur propre volonté ou de celle de leur employeur.
Des observateurs se réjouissent de cette généralisation en estimant que le coronavirus va ainsi «donner un vrai coup d'envoi au télétravail».
Cela n'est pas si sûr pour plusieurs raisons:
- ces nouveaux télétravailleurs n'ont pas été préparés à ce changement brutal. Et, ceux qui, comme moi, se sont penchés sur cette transformation du mode de fonctionnement savent qu'une minorité n'y est pas spontanément prête, notamment - mais pas seulement - les personnes récemment embauchées qui ont besoin d'un parrainage;
- pour les salariés des entreprises qui ne pratiquaient pas du tout le télétravail, le changement intervient sans la préparation nécessaire des managers et des collaborateurs. Aucun cadre n'a été négocié, aucune charte rédigée fixant les droits et devoirs des uns et des autres et cela n'est évidemment pas un facteur de succès;
- pour ces entreprises non préparées, des risques d'intrusions malveillantes ne sont pas à exclure, qu'ils soient liés à des insuffisances techniques de protection ou à des imprudences de collaborateurs non formés;
- une partie de ces nouveaux venus qui ne disposent pas de revenus de cadres ont statistiquement des logements plus petits, ne leur permettant pas toujours l'isolement nécessaire à un télétravail de qualité (même si l'on peut arguer que cette situation n'est pas plus incommode que celle de certains tintamarresques espaces de bureaux dits "ouverts");
- le confinement général aggrave cette situation particulièrement pour les familles ayant des enfants en âge scolaire, lesquels doivent aussi faire leurs devoirs à la maison, requièrent pour cela l'aide de leurs parents … et ont ensuite besoin de se distraire;
- enfin, qu'on le veuille ou non, ce télétravail forcé et de longue durée se trouve associé à une période dramatique et il n'est pas exclus que l'«après» soit de ce fait apprécié comme un retour à la normale c'est-à-dire à la situation d'avant.
Télétravail : 3 Français sur 4 regrettent déjà leur bureau, CNEWS, 26/03/2020, texte
Tous ces facteurs de dysfonctionnements et de moindres performances pourraient conforter les managers souhaitant conserver leurs troupes à portée du regard qui tireraient argument de ces difficultés – en grande partie liées à l'impréparation et aux conditions très particulières du confinement généralisé – pour discréditer la formule.
Il sera intéressant d'examiner l'attitude des «télétravailleurs du confinement» vis-à-vis du télétravail :
- tout d'abord durant la période qui s'étendra de la fin du confinement généralisé à la victoire sur le virus, une période durant laquelle le risque sera toujours présent, tout particulièrement dans les transports en commun,
- après, quand les raisons sanitaires imposant le télétravail auront – au moins temporairement - disparu.
A suivre donc.
Mais quand? "
Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer
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