Aérotrain

2022 Pschitt

"   Le 6 février 2020, la presse locale annonce le refus de l’État de concéder le rail pour les essais du SpaceTrain. Emeuric Gleizes s'en étonne: «Il y a cinquante ans qu'on ne fait rien de cette voie ...».

Mais c'est peut-être précisément parce que cette construction date de plus d'un demi-siècle qu'il faudrait engager une coûteuse réfection avant de l'utiliser, même temporairement.

C'est peut-être aussi parce que les plaintes pour salaires non versés s'accumulent, la troisième le lendemain-même de cette annonce: La société SpaceTrain pourrait être déclarée en situation de cessation de paiements suite à une plainte déposée par un couple d'ingénieurs n'ayant pas touché leurs salaires depuis le mois d'août et, de ce fait, se trouvant dans une situation dramatique. 

Transports: Spacetrain en difficulté à Orléans, Le Parisien, 16 3 2021, texte et illustrations

Distribution de tracts à Orléans

Le 14 février, c'est le mouvement politique de Jacques Cheminade (plus faible score au premier tour de l'élection présidentielle de 2017 avec 0,18% des voix) qui s'exprime sur son site Solidarité et Progrès et en distribuant des tracts à Orléans sur le thème «Sauvons SpaceTrain».

Spacetrain : le transport du futur menacé par la surdité administrative, Solidarité et progrès, 14 2 2020, texte et illustrations

Les difficultés financières de cette société n'y sont pas divulguées, seulement la «surdité administrative» du Conseil Régional et de l’État. L'engagement des 3 élus est bien entendu mis en exergue.

 

Les arguments avancés propres à Solidarité et Progrès sont très généraux: encourager les innovations de rupture portées par des jeunes, donner de l'emploi aux travailleurs, satisfaire les orléanais … mais pas éviter le gaspillage des fonds publics dans des aventures (c'était le mot utilisé par le député Cédric Villani) dispendieuses à risque maximal, et en l'occurrence aventure dont les initiateurs n'ont pas démontré leur capacité de gestion et de prévision trois ans après le lancement.

Emeuric Gleizes devant sa maquette à Cercottes
Emeuric Gleizes devant sa maquette à Cercottes

 

Le 11 mars 2020, selon le journaliste de la Tribune Hebdo, faute d'autorisation d'utiliser le monorail, la société SpaceTrain est sérieusement en train d'envisager la possibilité de réaliser ses essais à l'étranger. Mais il recueille aussi du maire de Cercottes, où est implanté le laboratoire, un avis très négatif sur le projet et sur son intérêt, ce maire reprenant  notamment l'argument de l'enchérissement de l'immobilier qui en résulterait (cf.2019).

Faut-il enterrer le Spacetrain ?, Tribune hebdo, 11 3 2021, texte et illustrations

 

Le 16 mars, Emeuric Glezes précise pour le Parisien: «Si cette défiance continue, on va aller en Allemagne », développant «« Sans essais, difficile de convaincre les investisseurs », et pointant le « manque de soutien de la Région ».

Remarques : on peut savoir gré à la Région de ne pas avoir succombé à l'enthousiasme de son vice-président en charge des transports. Et question concernant la capacité de l'Allemagne à mettre à disposition à court terme un rail susceptible de convaincre des investisseurs après des essais concluants ?

 

Le 3 mai 2021, dernière étape significative avant le dénouement, Solidarité et Progrès, qui ne brille ni par son niveau d'information, ni par sa clairvoyance, revient à la charge en remettant une pétition à la Préfecture pour «ce mode de transport du futur (qui) serait d'un très grand service pour notre nation».

Sauvons Spacetrain ! - Un projet pour le transport du futur, Solidarité et progrès, 3 5 2021, 6 minutes

Dans sa présentation, Karel Vereycken, Vice-Président du parti politique Solidarité & Progrès, brandit un plan sur lequel le trajet d'Orléans à Paris est au centre d'un maillage national de lignes SpaceTrain :

Orléans au centre du réseau SpaceTrain (photo fournie par le projet)
Orléans au centre du réseau SpaceTrain (photo fournie par le projet)

Or, on sait désormais qu'à Paris l'arrêt serait situé à la porte d'Italie, au sud de la capitale, loin des autres gares, quand de la gare d'Austerlitz, il suffit de traverser la Seine pour gagner la gare de Lyon et de parcourir quelques stations de métro (ligne 5) pour atteindre les gares du Nord et de l'Est. A la porte d'Italie, il n'y a ni tram ni RER permettant de gagner rapidement les gares parisiennes ou de se rendre dans le centre de la capitale.

A Orléans, le SpaceTrain s'arrêterait à Fleury Les Aubrais, seule solution pour l'accès au réseau national (la gare «historique» d'Orléans étant en cul-de-sac) mais solution défavorable aux navetteurs orléanais ou venant du sud de la métropole qui devraient compter un bon quart d'heure de tram pour gagner Les Aubrais. Si l'on ajoute à cela le temps supplémentaire à l'arrivée pour passer de la porte d'Italie à sa destination finale (pour moi, quand je travaillais, cela aurait été de l'ordre de la demi-heure), on mesure mieux le grand intérêt potentiel d'un trajet SpaceTrain pour les navetteurs orléanais, un temps qui, selon le Vice-Président, est désormais annoncé «de 10 à 15 minutes» ...

 

Fin de parcours : le 11 mars 2021, Tribune Hebdo se demandait si le projet "allait faire pschitt", eh bien il le fait le 15 novembre 2022 quand le même journal titre «SpaceTrain droit dans le mur», précisant que Emeuric Gleizes et son collaborateur Zoubier Harbaoui sont accusés devant le tribunal correctionnel d'avoir organisé une fraude au chômage partiel et au travail dissimulé pendant le covid», sans pour autant s'acquitter du versement de salaires dûs.

Sous-titres : Travail bénévole et Esclavage moderne
Article paru dans Tribune Hebdo Orléans

Le même 15 novembre, FR3 diffusait l'information sous le titre «Les deux principaux dirigeants de SpaceTrain jugés pour escroquerie» en apportant d'autres informations éclairantes.

Les deux principaux dirigeants de Spacetrain jugés pour escroquerie, FR3 et France Bleu, 15 11 2022, texte et illustrations

 

Dès mai 2019, l'absence de réponses aux questions que je posais dans la mise à jour de ma chronique sur l'aérotrain m'avait fait douter de la viabilité du projet (la nécessité de deux rails et non d'un seul (question jamais abordée), la capacité de constituer et d'accueillir une flottille de navettes aux extrémités de la ligne pour absorber les milliers de voyageurs quotidiens, la vraisemblance de la justification économique avec un billet d'un montant équivalent et sans aides publiques inconsidérées).

Je supposais que des assurances plus tangibles que celles rapportées par la presse avaient été données au Préfet pour qu'il n'exige pas des compléments d'information avant de prendre une position favorable - même sous conditions - qui encourageait à poursuivre le projet et son «lobbying».

A partir de début 2020, il était cependant devenu clair que la conduite du projet posait de sérieux problèmes et que la confiance faisait défaut au plus haut niveau. Les menaces peu crédibles du Directeur de priver la France de son initiative et son vraisemblable recours au mouvement lilliputien Solidarité et Progrès pour le soutenir quand les élus enthousiastes se faisaient plus discrets pour le défendre contribuaient à ma propre défiance grandissante.

 

Avec la comparution devant le tribunal correctionnel, la presse locale m'apportait d'autres informations sur le cursus des deux personnes incriminées:

  • le Directeur, qui avait précédemment fait preuve d'un grand éclectisme professionnel, était finalement devenu conducteur de train. Une activité certes dans le même secteur économique mais qui, pas plus que les précédentes, ne constituait  la meilleure expérience professionnelle pour créer et conduire une entreprise, qui plus est de haute technologie. Quel grand dirigeant aurait choisi un tel profil en finançant une start-up de cette envergure?
  • L' «homme de confiance» choisi par ce Directeur (second à comparaître) avait précédemment fait l'objet de cinq condamnations pour escroqueries, faux et usages de faux et il était en outre interdit de gérer une société.
La photo montre qu'il faudrait soit déplacer une route, soit abattre une ou plusieurs maisons ...r
^Pas de regrets : même dans la campagne de Beauce, impossible de placer un deuxième rail sans faire beaucoup de casse (la route ou les maisons). Alors en banlieue parisienne ...

Ma curiosité me poussa alors à rechercher si vraiment personne n'aurait pu se préoccuper plus tôt du profil des protagonistes de ce projet avant de le supporter et je finis par découvrir sur le «web des cheminots» (forum d'échanges d'anciens collègues de M Gleizes) des informations et des jugements peu amènes sur ce projet et sur son Directeur, notamment d'un nommé Bibloc pointant le caractère hétéroclite des sociétés dont M Gleizes était également dirigeant à date du 7 février 2020.

Le Web des Cheminots, intervention de BIBLOC le  7 2 2020, texte

Site VERIF sur lesquelles apparaissent encore les nombreuses et très diverses sociétés de M Gleizes le 29 11 2022

 

Addendum le 12 janvier :

La justice prononce des peines de prison pour les deux principaux dirigeants de Spacetrain, France Bleu Orléans, 12 1 2023, texte  

 

Sans autres commentaires si ce n'est que les trois autres projets de type hyperloop en France sont ou semblent stoppés et que, par conséquent, c'était vraisemblablement ma dernière chronique consacrée à l'aérotrain avant longtemps ...  "

 

Au sujet du gaspillage de l'argent public :

Un projet supporté au niveau de l'Etat mais non réalisable (arnaque) :

Les avions renifleurs, cliquez ici

Un projet supporté au plus niveau de l'Etat réalisé, mais à quel prix :

Le Concorde, cliquez ici

 

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Chronique initialement publiée le 1 mars 2009

  complétée de l'étape 2019  le 1 mai 2019

et des étapes 2020 et 2022 le 1 décembre 2022

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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