Seine

1955 Voie d'eau

inondations arches quasi pleines

"  La crue de 1955 est plus importante que celle, historique et dont on conserve de nombreuses images, survenue en 1910. Cependant, du fait des aménagements consentis après 1910, ses conséquences sont moins catastrophiques.

 

Pour autant, j'en garde une forte impression: j'ai encore dans les oreilles le grondement sourd de l'eau se fracassant sur les piles d'un pont sur lequel mes parents m'avaient accompagné (le pont Sully je pense sans toutefois en être certain).

Les inondations à Paris et en France, Les Actualités Françaises, 25 1 1955, 2 minutes 50 

Zouave avec de l'eau jusqu'au nombril

Le zouave du pont de l'Alma (de l'ancien pont reconstruit à partir de 1970) tient la vedette aux actualités cinématographiques des entractes, zouave érigé en marronnier par des journalistes indolents (reconductible à chaque inondation qui suivra, le zouave ayant retrouvé place en 1974 sur le nouveau pont).

Pont de l'Alma le 23 janvier 1955
Pont de l'Alma le 23 janvier 1955
Vedette Paris Tour Eiffel  (jouet)
Vedette Paris Tour Eiffel (jouet)

Dans cette période (en 1955 ou bien un peu après ou un peu avant), une autre impression forte m'est offerte par la Seine: celle de ma première «croisière» qui est aussi celle de mon premier «voyage» sur un bateau. Cela se passe sur une des vedettes de la flotte Paris-tour Eiffel, une petite embarcation dont je n'ai trouvé la trace que sous la forme d'un jouet sur un site de vente de particulier à particulier. Quelques dizaines de personnes y trouvent place: aucune comparaison avec les paquebots qui trimbalent aujourd'hui les touristes de masse, paquebots dont certains remontent aujourd'hui la Seine jusqu'à Honfleur en plusieurs jours.

Paris on the Seine 1950-1955, film Pathé en anglais, 12 minutes 50

Les péniches qui croisent sur la Seine sont également de dimensions réduites aux standards de Freycinet (38,5m sur 5m) afin de pouvoir franchir sans encombre les écluses, standards entérinés sous le ministère de Charles de Freycinet (1877-1879).

On observe également un grand nombre de remorqueurs dotés de hautes cheminées qu'il faut mettre à l'horizontale pour franchir les ponts. Ces remorqueurs (les mêmes que ceux observables sur les films du début du siècle) entraînent chacun une file de péniches arrimées à un câble et se suivant à la queue leu-leu: navigation périlleuse dans les courbes pour éviter la dérive vers les piles de ponts. Ce mode de groupage des péniches (dit tractionnage) disparaîtra progressivement à partir des années 60 au profit du poussage. L'élargissement des écluses de la Seine permettra alors d'utiliser des barges plus larges, voire de grouper des péniches Freycinet côte à côte.

Après avoir examiné le transport fluvial, tournons-nous vers les berges. En 1955, elles sont vierges d'autostrades mais elles ne sont pas pour autant immaculées, coquettes et réservées aux flâneurs. Elles sont aussi un refuge pour les clochards, ceux qui n'ont pas trouvé de place sur l'«asile flottant» ou qui préfèrent l'abri d'une arche de pont à celui d'un dortoir endoctriné. On y voit aussi des scènes surprenantes comme celle de cette matelassière ayant installé son atelier sur le quai de la mégisserie.

Ce peut être aussi un lieu de rencontre festif. Je n'ai pas de souvenir de bal populaire(le jointement des pavés n'était pas propice à des figures de danse). Par contre, je me souviens avoir assisté au feu d'artifice du 14 juillet sur le quai de la Rapée à l'endroit-même où l'une des premières voies sur berges serait créée en 1957. Une petite foule s'était rassemblée là pour jouir de la trouée de la Seine en direction de Notre-Dame.

Voitures garées en nombre sur les berges

Les véhicules y ont aussi leur place pour stationner ou même profiter des eaux de la Seine pour les laver. Je confesse avoir accompagné mon père quai Saint-Bernard, là où une autre voie sur berge sera créée en 1967, pour un récurage de la 4CV Renault). A sa décharge, les postes de lavages étaient encore rares (ce devait être en 1956). Et la Préfecture de Police donnait le mauvais exemple en ayant installé sa fourrière (voitures et camions) face à Notre-Dame ...

Mais la grande activité des quais est portuaire: ici des grues, là des postes de pesage affectés au transbordement, ici des matériaux de construction, là des tonneaux de vins, là encore quai de Javel devant les usines Citroën etc …

Ciments Lafarge sur les berges de la Seine (2020)
Ciments Lafarge sur les berges de la Seine (2020)

Et cela se poursuivra longtemps ainsi qu'en témoigne un reportage de l'excellente émission «La France défigurée» en 1972.

Les berges de la Seine, La France défigurée, 3 12 1972, 8 minutes 30

 

Et chacun sait que cela se poursuit encore en 2020 avec les accusations portées sur les installations des ciments Lafarge quant à la pollution de la Seine dans Paris intra-muros.

Lafarge accusé de déverser du béton dans la Seine, Le Figaro, 2 9 2020, 1inute 50

 

Le développement effréné des voies sur berges dans les années 60-70 a eu la vertu a minima de dégager des kilomètres de berges que d'autres élus, durant les deux décennies écoulées, ont eu la sagesse de restituer progressivement aux parisiens et au patrimoine de la ville.

A Paris, la piétonisation des quais entérinée par la justice, Le Monde, 21 6 19, texte

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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