Roman national

1955 Histoires de France (1/2)

Ecriture à la plume sergent-major devant une carte Vidal-Lablache
Ecriture à la plume sergent-major devant une carte Vidal-Lablache

"     Explications sur le titre qui précède:

 

Il y aura deux volets consacrés à ma scolarité à l'école communale. La période considérée ici s'étendant de l'automne 1952 au printemps 1957 et l'enseignement de l'histoire étant strictement chronologique, le second volet couvrira approximativement l'enseignement du cours moyen.

 

Histoires de France au pluriel car si j'ai bien été imprégné tout jeune du caractère édifiant de l'Histoire de France, je n'ai pas du tout saisi la continuité, ni même la cohérence de cette Histoire:

  • une histoire faite par des gouvernants de profils très différents qu'on les dénomme successivement (et parfois alternativement) rois, empereurs ou présidents (entre autres),

  • une France qui, géographiquement, s'étend et se contracte comme le soufflet d'un accordéon au gré des conquêtes et des défaites.

L'école communale de garçons Saint-Marcel à Paris Vème
L'école communale de garçons Saint-Marcel à Paris Vème

Il me restait spontanément peu de souvenirs précis des cours d'histoire de l'école communale de garçons Saint-Marcel (du nom du boulevard parisien), seulement:

  • celui du jeune et furtif instituteur (réserviste nous quittant pour l'Algérie en cours d'année) déroulant sur le tableau et au-delà une longue bande de papier blanc suivi d'une minuscule bande noire figurant les durées respectives du monde et de celle de l'histoire de France qu'on nous enseignait ici;

  • ceux de certains héros, particulièrement sur lesquels l'enseignement de l'école était complété par des films historiques romancés de Sacha Guitry (mais peu des dates en dépit ou plus sûrement à cause du nombre de ces dates qu'il nous faut alors ingurgiter);

  • ceux des pays étrangers qui n'apparaissent qu'à l'occasion de nos incursions ou de celles que nous subissons. Les premières sont glorieuses ou bien vantées comme généreuses, que ce soit pour apporter la bonne parole religieuse et la faire respecter (les croisades, les expéditions) ou encore pour faire partager notre civilisation enviée (la colonisation). Les secondes sont parfois barbares et toujours regrettables (justifiant ainsi une revanche prochaine...);

Images d'Epinal de l'histoire de France
Images d'Epinal de l'histoire de France
  •  celui, comme je l'ai mentionné précédemment, d'une absence de continuité, laquelle n'est même pas assurée avec la période que nous vivons, pas seulement celle qui a immédiatement précédé ma naissance mais aussi avec la guerre d'Algérie qui débute en 1954, quelques semaines après la fin calamiteuse de celle d'Indochine;
  • des souvenirs enfin des illustrations proches des images d’Épinal des livres scolaires ainsi que celles des cartes Vidal-Lablache suspendues aux murs supportant les cours d'histoire-géographie.

 

Ce sont certaines illustrations, retrouvées dans l'ouvrage de Daniel Picouly déjà cité, qui ont aidé ma mémoire à sortir de son engourdissement, encore ne suis-je pas certain que ces réminiscences proviennent toutes de la case années 50 de cette mémoire.

Daniel Picouly retrace l'histoire de France, LCM, 2011, 5 minutes 30

Couverture du livre de Daniel Picouly

Au temps des gaulois

Dans ce premier chapitre de l'ouvrage, trois illustrations réveillent mon anesthésie mémorielle:

  • la première carte de France qui ne s'intitule pas ainsi mais «carte de la Gaule pré-romaine»: la partie Celtique, en dépit d'un débordement sur les Helvètes, est réduite à portion congrue. Au nord, les Belges sont aux portes de Paris tandis qu'au sud s'étendent l'Aquitaine et une vaste province romaine dont le titre de la carte préfigure l'invasion de la Gaule entière. Nous revenons de loin dans les années 50...,

  • la deuxième planche qui retient mon attention représente des huttes de Gaulois (présentés comme nos ancêtres). A Daniel Picouly enfant, cette image évoque un camping, à moi qui ne pratiquerait le camping que plus tard, elle me remémore des documentaires didactiques d'avant l'entracte au cinéma montrant l'habitat similaire des peuplades africaines (qui sont mes contemporaines) : de quoi conforter ma première impression...et l'architecture romaine ne me fera pas regretter la gauloise,

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La féodalité

Deuxième chapitre de la chronologie qui illustre notamment les croisades. La planche représente dans un décor exotique des cavaliers juchés sur leurs montures et, devant eux, des «indigènes» (terme de l'époque) sans doute convaincus par les croisés puisque déjà à genoux.

Jeanne d'Arc tient évidemment une place importante, d'autant plus que ce sera la seule femme ayant cet honneur de toute l'Histoire de France issue du Lavisse. On la voit à la tête des soldats du roi dans le siège d'Orléans, pareille à l'image que m'en donne alors depuis ma naissance la statue érigée en face de mon immeuble … à l'époque d'Ernest Lavisse.

 

Marc Ferro, m'a appris depuis que les historiens, suivant en cela les souhaits des puissants, n'ont pas toujours glorifié Jeanne:

  • le roi Charles VII parce qu'elle lui faisait de l'ombre,
  • le pape pour le rôle tenu par l'évêque Cauchon dans son cruel assassinat,
  • les Révolutionnaires parce que Jeanne prétendait avoir entendu des voix.

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La Renaissance

Ah! La Renaissance et ses somptueux châteaux …mais la Renaissance, ce sont aussi des atrocités ...

 

La religion prêchait l'amour de son prochain et la planche de la Saint-Barthélémy me montre qu'elle suscite des gestes sanguinaires. L'explication est problématique.

 

L'assassinat commis par Ravaillac est moins surprenant compte tenu des égorgements que commettent les «terroristes» (c'est le nom qu'on leur attribue en France métropolitaine) à partir de la Toussaint 1954.

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La Monarchie absolue

Des Rois représentés en toutes occasions. Ici, une planche nous montre Louis XIV et Colbert lors de la visite de la Manufacture des Gobelins, un lieu voisin de notre domicile que j'ai déjà visité et sur lequel j'aimerais en savoir plus. Ailleurs, une gouache nous les montre à Versailles chez un constructeur de vaisseaux.

 

Pas plus d'information sur les concepteurs des machines, ni sur ceux qui exercent ces métiers. Il n'y en a décidément que pour les illustres au pouvoir, leurs affidés et collaborateurs.

 

 

La Révolution

Une autre planche me montre un lieu que je connais également mais où il n'y a plus rien à voir puisqu'il ne reste plus qu'une vaste place rase plantée d'un génie (c'était avant le réaménagement réalisé au 21ème siècle): la Bastille.

 

J'ai alors en mémoire l'image des têtes coupées promenées aux bouts des pics des émeutiers (peut-être vue au cinéma?) dans les artères de la capitale. Mais la planche présentée à cette occasion nous donne seulement à voir les assaillants au pied des murailles de la prison au début de leur intervention. Lors de ce cours, je constate bien la différence de traitement sans y attacher trop d'importance. Aujourd'hui, je me demande si la vocation unificatrice et républicaine du «mode Lavisse» n'avait pas guidé ce choix.

 

Une planche représente le jeune républicain Bara, engagé volontaire de 14 ans, assailli lâchement par une petite meute de Vendéens: double message quant aux terroristes Vendéens et quant à l'exemple à suivre du jeune Bara donné aux jeunes écoliers.

 

 

Napoléon

Napoléon a droit à un chapitre à son nom. C'est dire l'importance qui lui est donnée, peut-être parce qu'il a poussé les frontières de l'empire français plus loin que tous les autres ?

Sans doute fut-il un fin tacticien politique et militaire pour parvenir à ce résultat mais, comme la vision stratégique lui a manqué, le résultat final de son passage se termine en désastre pour lui et pour le pays.

La dernière planche du chapitre nous le montre esseulé sur son rocher de Sainte-Hélène contemplant l'infini de la mer. Il porte encore sa tenue d'empereur devenue accoutrement dérisoire en la circonstance. Songe t'il aux souffrances et aux morts prématurées que son ego démesuré a provoquées?

 

Tout ça pour ça. C'est à peu près l'état d'esprit dans lequel je me trouve alors … et qui n'a guère changé depuis en ce qui concerne son «action extérieure».

 

Plutôt que de ne nous épargner aucune des étapes de ses périples militaires (avec la kyrielle de dates associées à savoir par cœur), on aurait mieux fait de nous présenter son œuvre durable, le code civil, et d'en faire une introduction aux séances d'instruction civique.      "

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Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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