Consigne

1960 Des pots et consignations

 "   Tout d'abord examinons quelques données pour apprécier l'envergure du problème posé par l'augmentation de la consommation (les «trente glorieuses») et par l'accroissement de la population (le baby-boom).

Selon Christian Duquennoi :

  • en 1900, le monde produisait 1 milliard de tonnes de déchets solides,

  • en 1950, le cap des 2 milliards avait été franchi,

  • en 1960, soit dix ans plus tard seulement, on avait de nouveau presque doublé cette «production» avec 3,5 milliards,

et cette progression continuerait à s'enfler jusqu'à dépasser les 15 milliards en 2015.

 

Les «emballages perdus» parce que non consignés contribuent à cet inquiétant accroissement exponentiel. La matière plastique y tient le premier rang. Elle a fait une apparition modeste dans les foyers durant les années 50, la bouteille en plastique remplaçant progressivement celle en verre à partir de 1960. Ainsi, pour ne citer qu'un exemple, le premier moulin à café électrique de mes parents disposait d'une coque en métal, seul le couvercle accédait à la modernité avec un plastique translucide.

 

Le verre était jusqu'à présent exclusivement utilisé à l'accueil de liquides et de matières molles. La bouteille de vin ordinaire (vin de coupage dit de table) avait une contenance d'un litre (d'où l'expression populaire aujourd'hui tombée en désuétude «litron de rouge») et se reconnaissait par ses étoiles en sur-épaisseur à l'endroit ou le cylindre commence à se resserrer en direction du goulot. Ces bouteilles étaient consignées mais elles servaient aussi à transporter le cidre à la tireuse (donc sans contenant) que l'on trouvait à l'épicerie du village dans le Calvados.

 

Les eaux minérales et les boissons sucrées, de contenances et de formes diverses, étaient également vendues consignées. La bouteille de coca-cola est vraisemblablement celle qui demeure la plus illustre aujourd'hui.

 

Bière et limonade ont leurs propres bouteilles dotées de bouchons en porcelaine blanche garnis d'une rondelle de caoutchouc rougeâtre et articulés sur un dispositif en métal qui exerce une pression sur le bouchon afin de garantir une parfaite étanchéité.

 

 

Cette particularité ne doit pas faciliter le nettoyage de ces bouteilles qui sont également consignées.

 

Le lait est pareillement livré en bouteilles consignées. Elles sont en verre blanc, sans doute pour garder l'apparence spécifique du liquide, et d'une contenance réduite. En Angleterre, je verrai encore dans les années 70 des livreurs déposer à l'aube ces bouteilles dans des supports en métal devant les portes des maisons (cette tradition perdurera – t'elle au-delà?).

 

Ce n'est pas le seul laitage consigné à la crèmerie (souvent à l'enseigne «beurre – œufs – fromages»), les petits pots de yaourts (Danone, je me souviens) sont également consignés. Ma mère fait donc le tour des commerçants du quartier (il n'y a pas encore des commerces banalisés, grands ou petits) avec un cabas bien rempli au départ du périple qui la conduit chez l'épicier, le marchand de vins, le crémier …

 

 

Aux Actualités françaises du 11 novembre 1964 (actualités diffusées à l'entracte des cinémas), une séquence est consacrée à ce qui est présenté comme un progrès que l'on doit à la société moderne:«la vague des emballages perdus». Morceaux choisis:

  • «Le Français s'habitue à tout jeter après usage»,

  • «Le vin lui-même se plie au nouveau style»,

  • «A la bouteille d'hier qu'il fallait récupérer, laver au prix d'une manutention coûteuse succède aujourd'hui la bouteille que l'on jette purement et simplement».

Et, comme «la vie moderne est la grande ennemie du temps perdu», le petit film se termine sur les images d'une «ménagère» qui, le repas terminé, plie dans la nappe en vrac les reliefs du repas et les arts de la table jetables pour enfourner le tout dans la poubelle.   "

 

Une grande vague des "emballages perdus", Actualités Françaises, 18 11 1964, 1 minute

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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