Baby-boomer
Bande dessinée
1960 Double vue
" Je commence déjà à me détourner des bandes dessinées quand, en octobre 1959, paraît le premier numéro de Pilote, un hebdomadaire qui contient des bandes dessinées nouvelles et déjà connues ainsi qu'une part, majoritaire en volume, de dossiers s'adressant plutôt à des adolescents. Spirou, on l'a vu, proposait déjà des articles mais en proportion beaucoup plus faible et de qualité moindre.
Cette nouvelle publication a la particularité de résulter de l'initiative de trois créateurs de bandes dessinées, René Goscinny, Albert Uderzo et Jean-Michel Charlier alors qu'auparavant les directions des journaux de bandes dessinées étaient assurées par des entrepreneurs sans compétence particulière dans ce domaine qui cherchaient plus la reconduction des succès que l'innovation.
Pilote émancipe la BD, France culture, 14 8 2017, 5 minutes (son)
René Goscinny à propos du journal Pilote, Antenne 2, 3 5 1975, 4 minutes
René Goscinny disparu il y a 30 ans , France 3, 3 11 2007, 2 minutes 40
En 1959, René Goscinny et Albert Uderzo ont une longue expérience de la bande dessinée. René Goscinny par exemple a repris en 1946 les scénarios de Lucky Luke, regrettant que les restrictions apportées par la loi sur la protection de l'enfance édictée en 1949 aillent jusqu'à empêcher les Dalton de faire usage de leurs armes.
En 1956, il entreprend avec le dessinateur Sempé une collaboration qui donne naissance aux aventures du Petit Nicolas.
Avec Albert Uderzo et Jean-Michel Charlier, il a monté une cabale (la charte des dissidents), cabale soutenue par les grands noms de la bande dessinée contre les éditeurs pour améliorer les conditions de travail et de rémunération des créateurs, ce qui a valu aux trois compères des procédures de licenciement.
Pilote va donc constituer un lieu d'innovation et de liberté. Les référendums organisés par les éditeurs auprès des lecteurs pour repérer ce qui se vend sont ainsi proscrits ainsi que les contrats d'exclusivité imposés aux créateurs.
Dans son ouvrage consacré à René Goscinny, Marie-Ange Guillaume précise que cette Direction va non seulement s'ouvrir à de nouveaux auteurs mais encore réunir une équipe de personnalités connues à l'époque dans des domaines très divers comme Lucien Barnier (vulgarisation scientifique), Raymond Kopa (illustre joueur de football devenu consultant) et Pierre Véry (scénariste et auteur de romans policiers).
Au nombre des nouvelles bandes dessinées, on compte bien entendu Astérix (de René Goscinny et Albert Uderzo) mais aussi le très contemporain Chevaliers du ciel (de Jean-Michel Charlier et Albert Uderzo).
Cependant, mon intérêt se porte de moins en moins sur les bandes dessinées et plus sur le contenu journalistique de la revue. Une lettre que j'adresse au courrier des lecteurs est publiée dans l'un des premiers numéros, ce qui me vaut ensuite une invitation à rencontrer, avec trois ou quatre autres enfants, René Goscinny et Albert Uderzo dans le cadre d'un échange sur la perception du contenu du journal. J'en garde le souvenir de deux personnes sympathiques et à l'écoute.
A ce stade, Astérix est une bande dessinée parmi d'autres et le journal, malgré son succès, rencontre des difficultés financières. Le premier album Astérix paraîtra en 1961 et Pilote ne sera intitulé sur la couverture «journal d'Astérix et Obélix» qu'en juillet 1965.
A l'approche de l'adolescence, mon intérêt pour la bande dessinée faiblit et je dois même confesser un certain inconfort de lecture. La qualité et la richesse de détail du dessin
ralentissent et perturbent la lecture, la
privant de ce qui fait son attrait principal, à savoir la part de son imagination personnelle que le lecteur ajoute au récit (d'où le titre de cette étape: double vue).
Cet inconfort perdure aujourd'hui et seul Tintin demeure à ma portée avec sa «ligne claire» (trait simple, aplats de couleur, abstraction graphique).
La ligne claire : tout un style, Tintinomania, 4 5 2019, texte et illustrations
Amateur de Bibi Fricotin, bien peu apprécié par les historiens de la bande dessinée, et relativement fermé à Astérix qui deviendra le succès éditorial international que l'on sait, je ne suis manifestement pas expert en matière d'appréciation des bandes dessinées. Car le triomphe des albums d'Astérix sera fulgurant et durable:
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le premier album, Astérix le Gaulois, fait en 1961 l'objet d'un premier tirage à 6000 exemplaires,
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en 1964, Astérix gladiateur, le premier tirage atteindra 150 000 exemplaires,
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en 1965, le tour de Gaule double la mise à 300 000 exemplaires,
Dans son ouvrage, Nicolas Rouvière rappelle qu'en septembre 1966, l'hebdomadaire L'Express titre sur le «phénomène Astérix».
L'ascension se poursuivra avec des traductions croissantes, faisant la fortune des deux créateurs et leur permettant de réaliser leur rêve d'enfance, la création en 1973 du studio Idefix pour la réalisation de dessins animés. Suivra en 1975 l'ouverture d'un département «cinéma d'animation» dans le centre de formation technologique des Gobelins sur le boulevard Saint-Marcel de mon enfance. "
Par Toutatis, Astérix a 60 ans !, France Bleu, 26 10 2019, 4 minutes 30
Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer
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