Santé
2023 Aide-soignants
" Au nombre des maladies de société, il convient d’ajouter la pénurie de médecins et particulièrement de médecins généralistes. Elle a des effets délétères mal mesurés mais certains et évidents sur des maladies mortelles comme le cancer quand la détection précoce des signes constitue un facteur de probabilité de la guérison.
L'origine principale de cette pénurie remonte à plus de 50 ans, en 1971 sous la présidence de Georges Pompidou, quand est instauré un numerus clausus intervenant au terme de la première année de médecine, solution qui vise principalement à combler le trou de la sécurité sociale : limiter le nombre des prescripteurs de soins pour limiter les prescriptions de santé, telle est la "logique".
Le numerus clausus est immédiatement critiqué tant sur le principe que sur ses modalités de calcul :
- il transforme un examen en concours basé sur des considérations financières contestables,
- qui plus est, ce concours intervient au terme d’une année d’études de médecine et n’est basé que sur l’acquisition massive de connaissances durant cette année,
- le numerus clausus fixé par régions ne tient pas compte de l’âge des médecins de cette région.
Les figures ci-dessous illustrent successivement :
1 Une pénurie de médecins que l'on voyait venir dès les années 80
2 Un univers impitoyable après un an d'études de médecine
3 Une augmentation du numerus clausus tardive et lente
4 Une pénurie continuant à s'accroître au-delà de 2025
5 Et, en plus, une disparité de la pénurie selon les régions qui se perpétue
Cliquez sur chaque illustration pour la rendre lisible
Georges Pompidou n'y changera rien pour autant, non plus que ses trois successeurs et c'est seulement autour de l'an 2000, sous la Présidence de Jacques Chirac, que le numerus clausus, après avoir stagné huit années durant à son niveau le plus bas, commencera très timidement à remonter (cf. illustration 3).
Le lecteur trouvera ci-après de plus amples informations :
Médecine : 1971, l'invention diabolique du numerus clausus sous-titré "une boucherie pédagogique" au sujet du concours après un an d'études, INA, 12.09.2018, 02 minutes 50
Le numerus clausus est-il responsable de la pénurie de médecins, franceinfo, 23 05 2019, 2 minutes (durant lesquelles le ministre de la santé Bruno Durieux en 1990-1992 reconnait que l'effet-retard du numerus clausus est à
l'origine de la situation actuelle)
Au sujet de l'illustration 5, la presse associe le plus souvent les "déserts médicaux" avec les "campagnes profondes" et les "banlieues difficiles".
Bourgogne : multiplication des déserts médicaux, INA Bourgogne première, 01 02 2001, 2 minutes
Habitant une commune "non difficile" faisant partie de la métropole d'Orléans, capitale de la Région Centre-Val de Loire (ou siège aussi le département du Loiret), je peux témoigner que cette association est bien trop limitative. Avec plus de 9000 habitants, le nombre de médecins généralistes a progressivement diminué durant ces dernières années pour tomber à deux le mois dernier, sans espoir d'amélioration à court terme.
Ainsi, ma commune, déjà inscrite au livre des records pour la plus grande salade de fruits va pouvoir postuler pour le plus grand nombre de patients (à tous égards) par médecin généraliste avec de bonnes chances de réussite ... d'autant que la construction bat son plein ainsi que l'illustrent quelques photos trouvées sur internet des chantiers en cours en 2023.
Une autre raison du manque de médecins généralistes en France : l'expatriation croissante vers des pays plus accueillants (essentiellement en Belgique et en Suisse parce que ces pays ne connaissent pas de numerus clausus au stade de l'apprentissage du métier) et parce que les conditions d'exercice de la médecine y sont plus attirantes (rémunération, charge de travail médicale et administrative ...)
Cette année, la fondation IFRAP notait : "Tous les pays d’Europe vieillissants sont confrontés à une pénurie de personnel médical et de ce fait font tout pour attirer des médecins étrangers. Si la France ne réagit, pas, elle sera encore plus rapidement fragilisée."
Sous la Présidence actuelle, le numerus clausus a certes été supprimé mais, pour autant, le nombre d'admis n'a augmenté que de 13% et la même Fondation IFRAP estimait encore en 2022 qu'il ne fallait pas escompter une amélioration de la situation avant 2035.
A ce stade, il n'est à ma connaissance question que d'encourager l'embauche d'assistants médicaux pour décharger les médecins de tâches administratives et annexes (préparation des téléconsultations par exemple)
L'aide à l'emploi d'assistants médicaux dans les cabinets libéraux, Ameli, 14 11 2023, texte
Voici donc un métier qui ne craint absolument le chômage et qui ne semble pas sur le point d'utiliser plus et mieux les possibilités offertes à l'horizon 2041 que présente un médecin spécialiste professeur et, de plus, chercheur en intelligence artificielle.
Dans l'entretien qui précède, il explique notamment comment et pourquoi un logiciel utilisant l'IA est d'ores et déjà capable de détecter l'origine d'un cancer qui a déjà atteint plusieurs organes, ce que ne sauraient pas faire les plus grands spécialistes, et, en ciblant l'organe qui l'a propagé, de proposer les dispositions pour le guérir.
Gain de temps pour le médecin spécialiste en l'occurrence mais aussi et, bien plus important encore, gain vital pour le patient .
Dans son ouvrage, il cite tous les avantages que l'on peut escompter de l'intelligence artificielle au même horizon de résolution que celui de la résorption de la pénurie de médecins (2041 versus 2035). Il décline ces transformations aux différents stades de l'exercice de la médecine :
- dépistage précoce,
- aide au diagnostic,
- traitement grâce à l'IA,
- prévenir la maladie grâce à l'IA
Il propose aussi les moyens à mettre à mettre en oeuvre pour accélérer le déploiement de ces opportunités.
Je ne prétends pas ici résumer 200 pages mais je conseille vivement sa lecture d'abord et surtout aux membres des Ministères concernés à commencer par celui de la Santé car je ne vois toujours pas trace en novembre d'un véritable plan IA (avec des actions précises planifiées et avec les moyens qui en découlent) s'inspirant de ce livre paru en janvier et ayant fait l'objet de nombreuses insertions dans la presse écrite et audio-visuelle.
Pour assurer la qualité des logiciels d'intelligence artificielle et la protection des données médicales qu'ils utilisent, on peut donner deux exemples de réglementations à imposer par l'Etat :
- celui de Jean-Emmanuel Bibault en janvier consistant à impliquer des médecins, tenus par le serment d'Hippocrate, dans la certification de ces logiciels,
- celui formulé par Joe Biden en novembre visant à imposer une information de l'Etat sur tout projet d'IA médicale de quelque importance ainsi qu'une revue indépendante des tests de sécurité avant diffusion.
Dans l'une de ses interventions (et dans son livre), Jean-Emmanuel Bibault évoque par ailleurs des exemples de transformations de la médecine spécialisée déjà opérationnelles et potentiellement généralisables à court terme :
- en traitement du cancer par des rayons, la possibilité de déterminer l'endroit précis à cibler et de ne plus imposer au patient un immobilisme absolu lors de l'irradiation,
- en dermatologie, spécialité la plus sous tension en France, le recours à des logiciels permettant de diagnostiquer la nature des éruptions, boutons et protubérances à l'aide d'un simple smartphone,
- et, à venir "sous 10 à 15 ans", la chirurgie intégralement réalisée par l'IA avec une performance et une sécurité au moins équivalente à celle d'un chirurgien (moindre risque d'infection nosocomiale notamment).
Décharger les médecins par des assistants médicaux comme on le fait pour des infirmières avec des aide-soignantes constitue sans doute une bonne chose mais utiliser au plus vite les "aide-soignants de l'IA" me semble autrement plus ambitieux, tant pour décharger les médecins débordés que pour améliorer les soins. "
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Chronique publiée le 1 octobre, le 1 novembre et le 1 décembre 2023
Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer
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