Orthographe

1990 Arrêt facultatif

Quelques exemples de simplification

"Le terme d'arrêt recouvre plusieurs significations dont celle, ici choisie, de décision entérinée par une haute juridiction. La réforme de l'orthographe de 1990 (dont on débattra en 2016 …) est ainsi officialisée dans la section des «documents administratifs» du journal officiel du 6 octobre.

 

L'adjectif facultatif précise le fait que l'application de cet arrêt autorise la coexistence de l'orthographe ancienne avec la nouvelle.

 

Selon Michel Masson, on observe la même tolérance dans un texte publié au journal officiel du 9 février 1977 à l'initiative du ministre de l'éducation René Haby, ministre de Valéry Giscard d'Estaing: «il conviendra dans les examens de ne pas compter comme fautes graves celles qui ne prouvent rien contre l'intelligence et le véritable savoir des candidats mais qui prouvent seulement l'ignorance de quelque finesse ou de quelque subtilité grammaticale». Au nombre de ces «finesses» sont cités l'utilisation de l'accent circonflexe et du trait d'union que l'on retrouve dans la réforme de 1990, réforme qui d'ailleurs reprend largement les recommandations faites par l'Académie Française en 1986 portant sur 5 points de simplification touchant:

  • aux traits d'unions,

  • au pluriel des noms composés,

  • aux accents et, en particulier, à l'accent circonflexe,

  • à des anomalies flagrantes,

  • à l'accord du participe passé avec le verbe avoir.

Et si l'on remonte bien plus loin dans le temps en ayant recours à la même source, le que sais-je de Nina Catach consacré à l'orthographe publié en 2011, on apprend que l'élimination des «finesses» était déjà à l'ordre du jour lors de la première édition du dictionnaire de l'Académie Française en 1694, édition dans laquelle quantité de consonnes plus ou moins «étymologiques» disparaissent par rapport au dictionnaire de Nicot publié en 1606: ainsi des orthographes de bled (blé), nud (nu), constre (contre) et conjoinct (conjoint). De la première édition à la huitième, ce sont environ 30 000 mots qui subissent ainsi des amendements (nombre à comparer aux 2400 de la réforme de 1990).

 

On constate en outre que le rythme de publication des éditions du dictionnaire s'est considérablement ralenti depuis lors puisque cette huitième édition date de 1935, que le premier volet de la neuvième édition (de A à Enzyme) interviendra en 1992 (en 2016, la version intégrale de la neuvième édition sera toujours en chantier).

 

Peut-être cette décélération a t'elle été à l'origine de l'appel à une simplification supplémentaire publié par dix linguistes dans Le Monde du 7 février 1989 et par la publication d'ouvrages sur ce thème durant l'été de cette même année. Le gouvernement de Michel Rocard saisit alors le Conseil Supérieur de la Langue Française qui nomme une commission, laquelle réunit, outre des Français, plusieurs membres de pays francophones. Leur rapport (ce que l'on nomme aujourd'hui de façon quelque peu exagérée la réforme) est approuvé par le Conseil au printemps 1990 et, après quelques amendements, adopté à l'unanimité des membres présents par l'Académie Française dont Maurice Druon, antérieurement ministre de la culture de Georges Pompidou, est alors le secrétaire perpétuel.

 

Les pays francophones représentés dans la commission approuvent également ses conclusions et conviennent de les appliquer.

Nous sommes donc très loin de la présentation faite par certaines et certains en 2016 d'un travail bâclé par des hurluberlus inspirés par les idées de mai 1968 (22 ans plus tard …) et susceptible d'ébranler les bases de notre civilisation.

 

S'ils avaient simplement lu comme moi ce «que sais-je» (ouvrage de vulgarisation d'une consultation aisée), les différents protagonistes de 2016 (26 ans plus tard …) auraient peut-être fait montre de plus de retenue.

 

L'examen du texte de cette réforme fournit la confirmation que l'essentiel des changements vise à réduire le nombre des chausse-trappes dans lesquelles nous tombons tous plus ou moins. Et quand bien même les contempteurs de la réforme n'y tomberaient pas (?), cela ne constituerait ni un titre de gloire, ni une mesure de leur degré de «civilisation»."

...

"Chacun peut évidemment émettre des réserves sur certaines des propositions. Personnellement, j'en ai identifié trois:

  • pourquoi l'homogénéisation entre le r unique de chariot et les deux r de charrue a t'elle conduit à rajouter un r à chariot et pas l'inverse qui eut été plus simplificateur ?

  • pourquoi avoir ajouté un accent au a du latin a posteriori et ne pas avoir simplement proposé de remplacer cette expression par des synonymes qui font très bien l'affaire (à l'expérience, après, après coup, en second lieu, ensuite),

Devanture d'une "farmacia"
  • enfin cela ne m'aurait pas choqué (seulement bousculé dans mes habitudes bien ancrées du fait de l'âge) que l'on propose, sur une base facultative, le remplacement du ph par un f comme le font les italiens et les espagnols pour notamment nommer leurs pharmacies.

On voit bien qu'il s'agit là de points secondaires qui ne justifient pas des envolées emphatiques.

 

Simplifier ce qui mérite de l'être ne me semble pas un mal. Cependant, je conçois que l'on puisse être attaché à des étrangetés de la langue française qui constituent des traces d'un passé oublié ou de langues régionales ainsi que l'expriment dans des entretiens de l'époque François Cavanna et Georges Brassens.

Selon moi, les personnes ayant vocation à défendre la langue française, l'Académie au premier chef, seraient bienvenues si elles se consacraient en priorité à émettre des propositions pertinentes dès l'apparition de mots nouveaux impropres ou provenant de langues étrangères.

 

A défaut, comme on le verra avec la réforme de 1994, ceux-ci s'installent dans le vocabulaire d'usage et deviennent impossibles à déloger."

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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