Concorde

1969 Caravelle supersonique

La Super Caravelle dans Science et Vie - juillet 1960
La Super Caravelle dans Science et Vie - juillet 1960

"  La Caravelle, avion à réaction de conception française doté de réacteurs anglais avait été un succès en tant que petit-moyen courrier. En juillet 1960, la revue Science et Vie présentait la Super Caravelle, moyen courrier supersonique dont l'allure générale préfigurait celle d'un Concorde de format plus réduit. L'avion s'annonçait comme un mariage entre la Caravelle et l'avion de chasse Mirage IV de Dassault et était présenté avec l'ambition d'un premier vol en 1965.

Le rêve d'une 'Super Caravelle'? Science et vie juillet 1960, texte et illustrations

 

Pour atteindre cet objectif, une alliance avec la Grande Bretagne est recherchée. Elle est obtenue le 29 novembre 1962 mais à la condition, imposée par notre partenaire, que l'avion soit un long courrier capable d'atteindre les États-Unis et, en premier lieu, New York. La décision de réaliser Concorde constitue un choix politique du Président De Gaulle qui, en 1962, érige le projet au rang de «grand dessein», et du gouvernement d'alors de la Grande-Bretagne escomptant que son engagement dans un projet européen facilitera son entrée dans la Communauté.

 

Les progrès réalisés depuis la guerre sont tels qu'on peut imaginer de réduire encore les temps de trajets:

  • en 1946, il fallait près de 24 heures pour réaliser la traversée avec des escales de ravitaillement en Islande (à Keflavik) et à Terre-Neuve au Canada (à Gander),

  • dans les années 60, avec des avions plus rapides et moins gourmands, donc sans escale, on était tombé à 8 heures.

 Alors, pourquoi ne pourrait-on pas poursuivre cette prodigieuse diminution ?

 

Le rapprochement des continents du fait de la réduction des temps de trajets
Le rapprochement des continents du fait de la réduction des temps de trajets

 

Ce projet était poussé par les avionneurs et leurs équipementiers dont les directions attendaient un débouché commercial nouveau et les ingénieurs un regain d'intérêt professionnel. Les compagnies de transport nationales française et anglaise tablaient sur l'aide des États (de leurs contribuables) pour financer la réalisation tandis que les autres compagnies étaient souvent plus circonspectes:

  • allant jusqu'à douter de la capacité à atteindre l'objectif,

  • pressentant une problématique rentabilité de l'exploitation,

  • regrettant que les fonds publics ne soient pas consacrés à une autre option visant à transporter à moindre coût plus de passagers (les gros fuselages tel le Boeing 747 qui volera à partir de 1970) répondant à une attente de nombreux clients.

Le 12 février 1966, Henri Ziegler, Directeur Général honoraire d'Air France et Directeur Général des avions Bréguet, évoque «l'exemple d'un programme hâtivement lancé pour des considérations de prestige, sans spécifications précises étudiées avec les transporteurs». Il stigmatise «un effort disproportionné avec les moyens européens et lancé au détriment de réalisations plus rentables» conduisant à une réalisation dont «le coût de revient est un autre problème».

 

Henri Ziegler, devenu responsable du programme Concorde de 1968 à 1974, aura la probité de faire figurer cette prise de position dans son livre «la grande aventure de Concorde» publié en 1976.

Des Concorde en chantier
Des Concorde en chantier

Près de sept ans s'écoulent entre l'accord franco-britannique et le premier vol d'essai à Toulouse le 2 mars 1969 (très loin de l'objectif 1965 rapporté par Science et Vie en 1960). Durant toutes ces années, l'intérêt du public est maintenu par des reportages assurant du bon avancement du programme. Les actualités cinématographiques, toujours promptes à encenser les prouesses gouvernementales du moment, relatent ainsi le 14 février 1967 que le prototype 001 volera «dans un an exactement» et que 69 appareils sont déjà vendus (le titre évoque même bientôt 100), des appareils révolutionnaires «qui transporteront 135 passagers».

Concorde : bientôt cent appareils supersoniques en commande, Les Actualités Françaises, 14 2 1967, 40 secondes

De claironnantes affirmations démenties par les faits:

  • le vol d'essai aura lieu «exactement» deux ans et quinze jours plus tard,

  • les commandes qui n'étaient jamais que des options d'achat seront dénoncées par les compagnies privées et le débat portera entre 16 et 19 commandes dédiées aux seules compagnies nationales,

  • en version commerciale, la capacité ne dépassera jamais 100 passagers.

 

Concorde survolant Paris en juin 1969
Concorde survolant Paris en juin 1969

Trois mois après son premier vol d'essai, Concorde quitte Toulouse pour être exposé au salon du Bourget et «descend» les Champs-Elysées à basse altitude le dimanche 1 juin, une prestation qui, rétrospectivement, me semble bien audacieuse:

  • il y a eu peu de vols d'essai pour un avion aussi nouveau,

Vol du Concorde au dessus de Paris, , JT 20h, 29 5 1969, 4 minutes

  • 4 ans plus tôt, un avion Fiat 91 s'est écrasé au salon du Bourget faisant des victimes dont 8 tués parmi les spectateurs,

  • Le Figaro du 2 juin, qui évoque ce vol avec enthousiasme, note néanmoins que «au cours de ses évolutions, Concorde a soufflé en partie la toiture d'un immeuble à Dugny (Seine Saint-Denis)».

 

Salon du Bourget 1965,  Un spectaculaire accident endeuille la fête de l'air du Bourget, Les Actualités Françaises, 23 6 1965, 2 minutes 20

Salon du Bourget 1969, Le Figaro, 1 6 1969, texte et illustration

 

Le jeudi suivant 5 juin, j'ai l'occasion de voir passer Concorde en rase-motte et à faible allure au-dessus de Levallois-Perret et, plus précisément, à l'aplomb du bâtiment aviation de l'équipementier Jaeger qui fournit une bonne part des instruments de bord. Ce n'est évidemment pas un hasard: les employés (dont je suis pour un an encore) ont été prévenus, sont aux fenêtres, la plupart fiers de l'implication de leur entreprise dans cette réalisation.

Les deux prototypes de Concorde seront équipés des instruments Jaeger, Air et cosmos, 9 12 1967, texte et illustrations

 

En fait, cela ne concerne directement qu'une partie du personnel isolée dans un étage du bâtiment dédié à la vedette. Parmi les autres, certains regrettent tout de même, comme Henri Ziegler trois ans auparavant, que l'aide de l’État ne se porte pas sur un avion moins prestigieux mais plus prometteur du nom d'Airbus ...   "

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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