Véhicules électriques
2010 D'essence multinationale
" A partir du début des années 2010, la technologie lithium-ion que nous avons vue apparaître sur la première voiture hybride va commencer à s’implanter, modestement d’abord, à s’améliorer et à s’étendre ensuite jusqu’à devenir aujourd’hui (en avril 2024) LA solution à ce jour de fait imposée à la vente exclusive de véhicules légers neufs à partir de 2035.
Sans entrer dans les détails techniques qui n’ont pas leur place dans cette chronique, disons qu’une batterie constitue un système physico-chimique qui stocke de l’énergie électrique sous forme chimique (mode charge) et la restitue à la demande sous forme d’énergie électrique (mode décharge).
Le premier système physico-chimique de ce type est la pile due à l’Italien Alessandro Volta apparue en 1801 quand la première batterie rechargeable au plomb est mise au point en 1859 par le Français Gaston Planté, d’où son utilisation pour remplacer dès le début des années 1900 les lampes à huile ou à acétylène assurant l’éclairage des véhicules thermiques.
D’autres formes dérivées de batteries améliorent au 20ème siècle la quantité d’énergie stockée et permettent de se dispenser des manivelles mais, fonctionnellement, rien ne change en profondeur jusqu’à la mise au point de batteries au lithium (lithium métal en 1973) et plus précisément à la commercialisation de la version lithium-ion (en 2009).
Stockage de l'énergie:
é
Avant l'avènement des batteries lithium-ion, les véhicules électriques fonctionnaient principalement avec des batteries plomb-acide. Jusqu’alors, la dépendance de sources extérieures était, en complément de la production européenne, limitée à des pays stables et «amis», principalement les États-Unis, le Canada et l’Australie. La seule subordination conjoncturelle (pour le prix) à la Chine concernait la fourniture d’antimoine (d’autres pays comme les États-Unis et l’Australie disposant de réserves).
Quant à la production de batteries, elle était exclusivement assurée en Europe (en France principalement sous les marques Fulmen et Tudor).
Avec les batteries lithium-ion offrant une meilleure densité d'énergie, une durée de vie plus longue et des temps de recharge plus courts par rapport aux batteries au plomb, la concurrence de véhicules uniquement électriques avec les véhicules thermiques – concurrence encouragée par l’objectif crucial de réduction des gaz à effet de serre -, la dépendance énergétique de l’Europe va considérablement s’amplifier:
- cependant, les besoins en lithium pour un tel marché potentiel ne peuvent être couverts que par des pays étrangers sur plusieurs continents,
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ces batteries requièrent aussi du cobalt, du nickel, du manganèse et des terres rares, toutes matières quasiment absentes des sols géographiquement européens (Outre la Nouvelle-Calédonie grande exportatrice de nickel, plusieurs autres pays et territoires d'outre-mer - de fait intégrés à la Communauté Européenne - recèlent des ressources inexploitées qui pourraient être utiles à la fabrication de batteries lithium-ion),
-
le raffinage de ces minerais fait appel à des technologies complexes,
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cette fabrication est fondamentalement différente de - et plus difficultueuse que – celle des batteries jusqu’alors connues. Elle impose des investissements lourds dans des usines spécialisées.
Cette situation induit dès 2010 une subordination de l’Europe à la Chine, dépendance forte qui n’a fait que s’accentuer jusqu’à ces jours et que l’Europe peine à surpasser.
Dépendance également de nombreux autres pays dont celle de la République Démocratique du Congo (RDC) pour le cobalt dont aucun gisement n’est recensé en Europe (même situation avec la Chine pour les terres rares).
Ainsi, à ce jour, en ne considérant que les deux principaux exportateurs par «gisement critique», les approvisionnements de la Communauté Européenne reposent approximativement :
- pour le lithium, à 30% sur l’Australie et à 22% sur le Chili,
- pour le cobalt, à plus de 70% sur le Congo RDC et à 9% sur l’Australie,
- pour le nickel, à 23% sur l’Indonésie et à 22% sur la Russie,
- pour le graphite, à 60% sur la Chine et à 18% sur Madagascar,
- pour les terres rares, à 90% sur la Chine (quasi-monopole) et à 5% sur les États-Unis.
La Chine domine actuellement la chaîne de valeur des batteries lithium-ion, en contrôlant une grande partie de la production de matières premières, de la fabrication de batteries et de leur recyclage. En investissant dans l'extraction et le raffinage, la Chine vise à renforcer son contrôle sur cette chaîne de valeur stratégique.
Ainsi, le cobalt est principalement produit par la République démocratique du Congo (RDC). Mais la quasi-totalité des exportations congolaises est destinée à la Chine et des sociétés d’État chinoises possèdent deux des cinq mines les plus importantes.
La Chine, qui ne dispose sur son territoire que de relativement modestes ressources de cobalt, assure de ce fait 77% des capacités mondiales de son raffinage.
Au final, on estime la part de l’équipement des batteries lithium-ion chinoises des voitures électriques neuves toutes marques actuellement commercialisées entre 70% et 85% en France et en Europe. Au plan mondial, on dépasse même 85%, ce qui s’explique du fait que la Chine est devenue le premier producteur de voitures électriques… et en exporte une part croissante.
D’où le titre de cette étape qui, au-delà du persiflage, caractérise ces nouveaux réservoirs d’énergie: «d’essence multinationale».
Mais revenons quatorze ans en arrière : le 28 avril 2010, la Commission Européenne publiait sa stratégie en matière de «véhicules verts» ayant pour objectifs «d’atténuer l’impact du transport routier sur l’environnement et de dynamiser la compétitivité de l’industrie automobile.
Véhicules
«verts»:
une
Comparons maintenant les agendas respectifs de l’Europe et de la Chine. De 2010 à 2019, j’identifie en Europe communautaire les événements suivants:
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en 2013, la création de l'Alliance européenne des batteries pour stimuler la recherche et la production de batteries en Europe,
- en 2014, un financement important pour la R&D dans les VE et les batteries dans le cadre du programme Horizon 2020,
- suite à l’accord de Paris de 2015 sur le changement climatique renforçant l'engagement de l'Europe à réduire les émissions de gaz à effet de serre, élaboration en 2017 d’un nouveau plan stratégique pour la mobilité propre, réaffirmant les objectifs en matière de véhicules électriques et contenant des actions concrètes concernant notamment la réglementation des batteries et de leur recyclage ainsi que les subventions aux particuliers pour les inciter à acheter des véhicules électriques malgré leurs prix de ventes sensiblement plus élevés.
Je constate en outre que ce plan de 2017 marque le début discret de la sortie de la catégorie des «véhicules verts» des voitures au GPL, leur bonus écologique étant supprimé et la taxe sur la carte grise augmentant, les rapprochant de celle des véhicules essence et diesel. Cette défaveur s’amplifiera jusqu’à élire au malus certaines voitures au GPL et à interdire certaines autres de circulation dans les FEZ (Zones à Faibles Émissions).
Nul doute que des progrès tangibles aient résulté des initiatives européennes mais jusqu’à 2019 pas à un niveau ni avec une réactivité qui soient favorablement comparables à ce qui s’est passé en Chine.
Et, ce n’est qu’en 2019 (neuf ans après l’orientation stratégique) que l’Europe décide d’investir massivement (3,2 milliards d’euros) pour soutenir un consortium européen de fabrication de batteries lithium-ion.
Pour illustrer le fossé qui sépare notre progression de celle de la Chine, tenons-nous en à l'agenda de la première entreprise chinoise (et mondiale) BYD (Build Your Dreams) dont le seul nom affiche d’emblée une ambition de conquête mondiale.
En 2010, quand l’Europe en est encore à formuler une stratégie,BYD, fondé en 1995 pour produire des batteries de téléphones portables, :
Véhicules «verts»: une stratégie européenne, eur-lex.europa.eu, 15 10 2010, texte
-
en 1999 a mis au point sa première batterie lithium-ion pour téléphones portables,
- en 2003 est entré dans le marché des batteries lithium-ion pour véhicules électriques et hybrides,
- en 2005 a lancé son premier véhicule électrique, la F3e, une berline compacte,
- en 2008, devient le premier constructeur automobile chinois à produire des véhicules électriques en série.
A propos de BYD (historique), BYD, non daté, texte
Dorénavant présent sur les deux marchés (batteries et véhicules), BYD investit massivement dès 2011 dans la recherche et le développement des batteries lithium-ion, devenant l'un des plus grands producteurs mondiaux de ce type de batterie.
En 2018, il propose une gamme complète de véhicules électriques et hybrides, couvrant tous les segments de marché et devient en 2019 le premier constructeur chinois de ces véhicules électriques et hybrides.
Nouvelle usine BYD en Hongrie, BYD, 22 12 2023, texte
BYD : le constructeur chinois étend son réseau en France, l'auto-journal, 02 05 2024, texte
A ce stade, on rappellera, non sans amertume, le second objectif de la stratégie européenne de 2010 «dynamiser la compétitivité de l’industrie automobile»... "
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Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer
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