Télévision
2022 Télé-révisions
" Le bruit médiatique fait autour de la disparition de la reine Elizabeth II m'a conduit à revenir sur la place que celle-ci avait déjà tenue en 1953 dans le développement de la diffusion de la télévision en France: cet événement annoncé de longue date comme devant être proposé en direct depuis l'Angleterre avait contribué à faire gravir le nombre de téléviseurs en France de 59971 à 125088 durant cette seule année.
Contrairement à ce qu'ont répété nombre de journalistes en mal d'informations, ce n'était pas la première fois que l'on transmettait en direct en France depuis l'Angleterre puisque la BBC avait réussi cette performance entre Douvres et Calais en 1950.
En 1950,
la
Et l'on ne parlait pas encore non plus officiellement d'eurovision puisque le terme ne sera consacré qu'en 1954.
La diffusion en direct de cet événement serait limitée à l'Europe d'alors, c'est-à-dire à certains membres de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (CECA), l'Italie et le Luxembourg, pourtant membres, en étant privés.
Le couronnement
d'Elizabeth
Malgré ces limites, l'événement eût un retentissement mondial:
- des avions emmenèrent promptement dans leurs soutes les bobines de films, au Canada, aux États-Unis et en Australie,
- selon les estimations, 277 millions de personnes dans le monde le virent en direct, en différé, ou retransmis au cinéma,
contribuant de ce fait à la rapide célébrité d'une jeune femme au demeurant fort accorte et sympathique.
Ci-dessus 4 clichés illustrant l'engouement de parisiens
Générique et mire Eurovision à partir de 1954 , RTF, 40 secondes
Pis encore pour l'information générale de nos concitoyens, un présentateur du journal du soir d'une chaîne de grande diffusion française évoqua pour la circonstance une première mondovision, dévoilant ainsi une ignorance crasse de l'histoire de sa propre profession :
non monsieur, la mondovision, ce sera beaucoup plus tard, avec des satellites :
- En 1962 dans le sens États-Unis vers Europe et pour des tranches horaires limitées par le passage du satellite Telstar 1 dans le spectre du radôme tournant de Pleumeur-Bodou en Bretagne,
La réception
- En 1964, soit onze ans après les festivités britanniques télévisées, avec l'apparition des satellites géostationnaires permettant la transmission à toute heure et dans les deux sens: le terme de mondovision sera dorénavant approprié à la réalité.
Durant sept décennies, la télévision et la reine cheminèrent de conserve: à l'une la garantie d'une audience salvatrice grâce à la publicité, à l'autre la reconnaissance d'une légitimité de sa famille royale.
La préparation de cette chronique m'a permis d'apprendre que l'année de la naissance de la reine (1926) coïncidait avec celle de la présentation de la télévision mécanique par John Logie Baird à la Royal Institution de Londres.
Il s'agissait d'une transmission rudimentaire, limitée à 16 lignes sur un écran carré de moins de 4 centimètres de côté. Il n'empêche que cela valut durablement à son auteur d'être considéré comme le père de la télévision.
Télévision
Une coïncidence troublante et prémonitoire pour la reine qui vécut avec ses contemporains les changements précédemment décrits et ceux de ces 4 dernières décennies que nous allons résumer maintenant en nous concentrant sur l'évolution en France.
Après l'abolition en France du monopole d’État sur la communication audiovisuelle en 1982, laquelle visait d'abord les stations de radio dites pirates, François Mitterrand donne son feu vert à la télévision privée (commerciale) en 1985 et confie la responsabilité des deux premiers canaux à des proches. Cela marque le début du développement du nombre de chaînes.
Une autre modification notable pour les téléspectateurs a des origines techniques. Elle réside dans le changement de format des écrans:
- le 19 juillet 1983, l'émetteur de la Tour Eiffel interrompt la diffusion en 819 lignes (une haute définition de l'époque), marquant un alignement sur la définition la plus répandue en Europe en 625 lignes (l'Angleterre en 405 lignes). Elle constitue aussi un préalable à la diffusion en couleurs,
L'arrêt
du
- avec les écrans plats à partir de 1997 et avec les smartphones à partir de 2006, la diagonale de ces écrans longtemps limitée à quelques dizaines de centimètres explose littéralement: elle passe à plusieurs mètres sur un panneau mural et à quelques centimètres dans un format inférieur à celui d'un livre de poche. De plus, les images sont intégralement restituées en perdant leurs angles arrondis.
N.B. On notera en outre que, avec ces smartphones aisément portables, le téléspectateur témoin d'un événement peut devenir un collaborateur occasionnel des chaînes (cf. le Concorde en feu saisi par un passager sur l'autoroute Paris-Lille).
Les techniques de transmission évoluent aussi. Un temps, les immeubles abritant des populations immigrées s'habillent d'antennes satellites pour accéder aux programmes de leurs pays d'origine. Elles deviennent ensuite occasionnelles grâce à la transmission terrestre basée sur internet et offrant l'accès aux chaînes du monde entier. Dernier progrès en date dans ce cadre, le remplacement du cuivre des câbles par de la fibre optique augmentant nettement la capacité des lignes et permettant l'accès à la qualité d'image la meilleure (en cours de déploiement avec un objectif de couverture intégrale du territoire en 2025).
Sans entrer dans les détails techniques, la qualité de l'image dépend aujourd'hui du volume de flux transmis par unité de temps (bande passante) et de la performance des serveurs des fournisseurs d'accès reliés en fibre optique. La finesse de restitution des images en couleurs est ainsi sensiblement plus élevée que celle de nos téléviseurs-meubles aux écrans riquiqui en 819 ou 625 lignes et en noir et blanc de 1949 à 1983.
Avec l'apparition des chaînes privées en 1984 (Canal+), l'offre ne cesse de s'accroître. Elle passe de 3 en 1983 à 22 en 2005 avec la télévision nationale terrestre (TNT). En 2022, l'offre gratuite de la TNT couvre 27 chaînes nationales et 40 chaînes locales en direct. Mais cette offre aujourd'hui se mesure en centaines (chaînes étrangères incluses) de programmes payants dont beaucoup thématiques via les fournisseurs d'accès.
Et c'est sans compter:
- les programmes en répétition («replay») gratuits et payants qui augmentent encore le choix instantané,
- toutes les vidéos diffusées sur internet (incluant des films issus du cinéma).
Comment dès lors s'étonner de certains effets que l'on constate en 2022:
- la difficulté rencontrée par les salles de cinéma à retrouver le taux de remplissage d'avant la pandémie,
- la fin de gloire des vedettes de la télévision quand les téléviseurs étaient très répandus et les chaînes peu nombreuses,
- le dépérissement progressif au 21ème siècle de la parution des ouvrages consacrés à la télévision (notamment ceux écrits par ses vedettes).
Ainsi, durant ces quarante dernières décennies, la télévision, qui s'était auparavant déployée dans l'immense majorité des foyers, a poursuivi ses améliorations. Les téléviseurs ont dû, eux aussi, évoluer au prix de remplacements: abandon du 819 lignes, réception en couleurs, réception de la TNT suivie de la très haute définition avec la boîte adaptée du fournisseur d'accès à internet.
Tout à changé ou presque … tout sauf la scénographie des manifestations royales outre-Manche avec un succès d'audience bien plus grand encore en 2022 qu'en 1953 ... "
Elizabeth II
une
A consulter également au sujet de la télévision :
Sur les interludes des années 50 aux années 70, cliquez ici
Sur la météo à partir de 1953, cliquez ici
Sur le carré blanc (et rectangulaire) dans les années 60-70, cliquez ici
Sur l'introduction de la publicité en 1968, cliquez ici
Sur une histoire courte de la conquête spatiale, cliquez ici
Sur la comparaison du téléviseur des années 50 et du smartphone, cliquez ici
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Chronique initialement publiée le 1 avril 2013
révisée et complétée le 1 octobre 2022
Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer
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