Droguerie
1956 De toutes les couleurs
"Quasiment au pied de l’immeuble dans lequel je vivais avec mes parents, boulevard Saint-Marcel, à côté de la confiserie en forme de bonbonnière rose et blanche à l’enseigne de « soyez gourmands » se tenait un autre commerce qui arborait au fronton de son store la simple mais intrigante mention « couleurs ».
Celle-ci avait en effet de quoi étonner à côté de la boutique voisine infiniment plus pimpante et chatoyante."
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"Mon souvenir le plus immédiat est celui de ce contraste entre le mot « couleurs » et la grisaille généralisée de la devanture et d’un intérieur dans lequel étaient alignés sans fantaisie peintures, décapants et tous autres produits de récurage. La palette était faiblement enluminée par des bassines et instruments divers en fer blanc qui jonchaient le sol."
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Il n’y avait alors pas d’autres lieux que les drogueries ou se procurer des produits d’entretien courants. Selon mon souvenir, même le petit Monoprix de l’avenue des Gobelins, unique exemplaire d’une chaîne nationale dans le quartier, n’en commercialisait pas. En revanche, les drogueries étaient légion. Ainsi par exemple, il suffisait de quelques minutes de marche dans la rue Geoffroy Saint-Hilaire pour en trouver une autre, tout près de l’entrée du Jardin des Plantes.
Sans doute est-il superflu de préciser que ces deux enseignes ont aujourd’hui, comme tant d’autres, disparu. La transformation à la fin des années soixante du cinéma Saint-Marcel Pathé en supermarché n’y est sans doute pas étrangère."
"Mon second souvenir de commerce de droguerie est bien différent. Il se situe au village du Locheur en Basse-Normandie, village à l’écart des grands axes qui comptait alors moins de deux cents habitants … et plusieurs commerces.
Outre le maréchal ferrant, il y avait non loin du lavoir alors encore très fréquenté, un boucher-charcutier (qui disposait de son propre abattoir au moulin sur l’Odon, chez son beau-père) et un boulanger-pâtissier qui prêtait son four pour faire cuire les rôtis et la falue que confectionnait la cousine."
"Près de la maison de la cousine, une troisième boutique offrait aux villageois à peu près tous les produits courants que l’on ne trouvait pas dans les deux autres en sus d’une arrière salle servant de café et de la cabine téléphonique publique."
"Dans ses rayons, à l’exception des fruits et légumes que les villageois cultivaient eux-mêmes (l’immense potager de la cousine occupait l’essentiel du temps de son homme à tout faire), un assortiment de produits divers (jusqu’à des martinets pour l’éducation des bambins). Les bonbons pastel vendus au détail voisinaient avec les pulvérisateurs de flytox à pompe. Cet achalandage varié limitait les déplacements dans les bourgs plus importants, Villers-Bocage et Evrecy, à près d’une heure avec la carriole de la cousine, des bourgs de 500 à 1500 habitants où l’on pouvait trouver des drogueries spécialisées tout comme à Paris."
"A cette époque, les petits commerces détenaient ici une absolue exclusivité : les zones commerciales et les supermarchés n’existaient pas tandis que les enseignes nationales (Félix Potin, vins Nicolas, magasins Hauser …) étaient rares et concentrées dans les grandes villes.
Depuis lors, elles se sont développées dans les bourgs moyens … et les commerces du Locheur ont tous disparu."
Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer
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