Chasse
2019 Engluée, engluante
" Avec l'ouverture de la chasse en septembre, comme chaque année, les promenades en forêt (et pas seulement en forêt d'ailleurs) sont redevenues périlleuses et le calme a été rompu par les pétarades intempestives et par les porte-voix des chasseurs. Depuis lors, les mêmes types d'événements enrichissent les rubriques des faits divers, des conflits entre chasseurs et non-chasseurs (tel celui qui concerne actuellement le cinéaste Luc Besson)
La dépéche, 7 11 2019, Luc Besson en procès avec des chasseurs, texte
aux accidents qui, même lorsqu'ils sont miraculeusement évités n'en demeurent pas moins alarmants pour tous et traumatisants pour les victimes (ainsi de ces balles qui, ce 3 novembre, traversent une voiture à proximité de Châteauroux).
France Bleu Indre, 4 11 2019, A quelques centimètres près, texte
Normandie infos 27 11 2019 Trois coups de feu à proximité d'une cavalière, texte
En septembre, la lecture d'articles parus dans des publications gratuites régionales a fourni matière à compléter cette chronique initialement publiée en décembre 2017. L'un de ces articles dans le journal mensuel d'annonces Publi45 était titré «Les sangliers entrent dans Orléans» et en appelait à Obélix pour débarrasser le Loiret d'un pullulement croissant. Il exposait simplement l'équation dans laquelle s'englue chaque année plus encore la chasse: «Moins de chasseurs, plus de cochons» et par conséquent des difficultés devenant inextricables pour dédommager les agriculteurs des dégâts occasionnés.
Dans un autre article paru le 10 septembre dans le Petit Solognot, l'auteur affirmait que «l'unique coupable (de cette invasion), c'est l'arrivée depuis la dernière guerre de la culture du maïs». Outre que dans mes lectures de 2017 je n'avais nulle part vu cette raison identifiée comme «unique coupable» ni même comme contributrice significative, je m'interrogeais sur les conclusions pratiques que l'on pouvait en tirer: faudrait-il interdire la culture du maïs en France et importer pour couvrir nos besoins? Faudrait-il imputer la responsabilité de cette prolifération aux agriculteurs nourriciers et, en conséquence, dispenser les chasseurs de s'acquitter de leurs obligations de dédommagement?
L'auteur n'évoquait pas explicitement l'agrainage comme raison initiale du baby-boom, un agrainage dont, pourtant, le Président de la Fédération de Chasse du Loiret affirmait dans Publi45 qu'il persistait: «L'agrainage de sangliers par certains chasseurs qui, ce faisant, ne respectent pas sur leurs propriétés les conventions avec la Fédération».
Les mesures proposées par le rédacteur du Petit Solognot pour «passer en mode destruction» (titre de l'article) consistaient à:
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autoriser la chasse de nuit et l'utilisation de phares de voitures (tir aux phares),
Persée, Contravention de chasse à l'aide de moyens prohibés, 2000, texte
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dresser des miradors au pied desquels procéder à un agrainage qui serve d'appât de telle sorte que les chasseurs perchés puissent tirer à volonté toute l'année.
La première solution transformant les routes en terrains de chasse constituerait une source de danger accru et provoquerait une nuisance sonore plus insupportable de nuit que de jour.
Par contre, l'idée consistant à attirer les bêtes au pied de miradors mérite d'être considérée. Elle n'est d'ailleurs pas originale puisque déjà mise en œuvre dans le sud de la France. Elle présente à mes yeux le double avantage de permettre une réduction d'un effectif que l'on ne peut pas laisser croître indéfiniment (x 4 dans les 20 dernières années) mais aussi de minimiser les risques pour la population. En effet, avec des tirs dits fichants, les balles se plantent dans le sol à une distance raisonnable, évitant les rebonds imprévisibles (jusqu'à une distance de deux kilomètres, rappelons-le).
Des miradors ont été vandalisés.
Cependant, si les chasseurs se satisfont de cette manière de «contempler les beautés naturelles du monde» (cf. introduction) ainsi parqués dans leurs miradors, pourquoi les priverait-on de ce plaisir d'autant que, même très malhabiles, ils bénéficieront alors d'une efficacité inespérée (cf. mon témoignage en 2017) évitant de ce fait l'agonie lente de bêtes blessées ?
Sud-Ouest, 12 miradors pour sécuriser la chasse, 25 8 2018, texte et illustrations
La dépêche, Des miradors vandalisés, 11 4 2018, texte et illustrations
Se pose ensuite la question de ce que l'on fait des victimes au pied des miradors.
Et là, l'article de Publi45 m'apprend que 70 à 80% du gibier consommé en France est importé et que, pour pallier cette situation, une mission d'étude pour la «valorisation du gibier de Sologne» a été créée afin d'organiser une filière de «transformation» (mes guillemets pour marquer l'utilisation de doux euphémismes).
Que n'y a t'on pensé plus tôt?
La Nouvelle République Du gibier étranger au pays de la chasse 3 8 2018, texte et illustrations
Quand la chasse ne se concrétise pas uniquement par des tableaux (de chasse) et retrouve sa vocation de subvenir aux besoins de la population … tout en améliorant notre balance commerciale ...
Un troisième article paru dans le Petit Solognot du 24 septembre me révèle que la chasse, engluée dans les conséquences de ses pratiques d'apprenti-sorcier (l'agrainage), peut aussi se montrer salement engluante.
De prétendus chasseurs barbouillent ainsi des baguettes de glu, baguettes qu’ils disposent dans les buissons ou au sommet des arbres pour piéger vivants des grives et des merles. Ces oiseaux sont tenus dans le noir pendant des semaines, puis disposés sur les sites de piégeage dans des petites cages. Leur chant attire d’autres grives et merles tués alors à bout portant.
D’autres oiseaux petits (fauvettes, mésanges, rouge-gorge…. et grands (rapaces) se font également piéger (ce à l'heure où chacun peut constater leur raréfaction récente et croissante) mais aussi d'autres animaux comme des chats, eux-mêmes chasseurs d'oiseaux pour leur subsistance.
Le Petit Solognot 23 1 2019 Les zoos français, dont Beauval, condamnent la chasse à la glu, texte
Et, consternante révélation, en 2019 cette pratique n'est pas répréhensible mais bien légale dans certaines régions de France alors-même que l'Europe la condamne en nous adressant en juillet dernier un avertissement.
Comment qualifier ces tagueurs à la glu revendiquant le respect de traditions barbares?
Et comment apprécier des acteurs politiques si peu capables d'accorder leurs actes avec leurs déclarations d'intentions («La lutte contre la maltraitance animale est une priorité du Gouvernement») ? "
Site gouvernemental sur lequel figure la citation qui précède
Chronique initialement publiée en décembre 2017 complétée en décembre 2019
Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer
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