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1955 Discriminations négatives

 " J'identifie trois grandes sources de discriminations négatives:

  • l'humour balourd qui vise les femmes, les homosexuels, les gros … en en faisant des sujets de moquerie,
  • le racolage mercantile de la publicité qui utilise les stéréotypes du moment pour accrocher le chaland. Les stéréotypes se sont modifiés depuis mon enfance mais le procédé consistant à les utiliser demeure très présent avec la publicité télévisée (la minute de pub coûte cher),
  • le catalogage social particulièrement présent avec la colonisation qui ne reconnaîtra jamais aux «indigènes» une égalité de droits avec les «Français de souche».

 

Humour balourd

On trouve deux illustrations de cette forme d'humour gentiment stigmatisant dans les actualités cinématographiques, lesquelles présentées à l'entracte comportent à la fois des actualités pas fraîches puisque datant d'au moins une bonne semaine et des petits films traitant comme l'on dit de sujets de société. Les illustrations conservées par l'INA qui suivent appartiennent à la seconde catégorie:

Femme descendant de son cabriolet et montrant ses jambes
  • la femme au volant est charmante et superficielle. Sa voiture? Une 403 cabriolet offerte par son mari. Parmi les poncifs, elle utilise le rétroviseur pour se faire une beauté. «Feu vert, feu rouge, elle mélange tout» assène le commentaire sur des images de pare-chocs qui s'entrechoquent. Et le film de trois minutes s'achève sur l'image d'un homme couvert de bandages qui «vient d'en rencontrer une»;

La femme au volant, Les actualités françaises, 13 5 1959, 3 minutes

  • même forme d'humour condescendant teinté d'ostracisme à l'égard des «gros». En 1955, les gros, les «bons gros», des bons vivants qui font souffrir la balance, se réunissent à l'occasion d'une «fête pleine de joie de vie où l'on célèbre l'embonpoint».

1955, lorsqu'être obèse était un must, Les actualités françaises, 10 6 1955, 50 secondes

La prévention de l'obésité et les règles alimentaires pour la limiter viendront bien plus tard.

Obésité : un combat pour la vie, FR3 PACA, 2018, 24 minutes 20

 

Publicité Banania
La toque blanche du cuisinier a remplacé la chéchia rouge du tirailleur et l'entremet a pris la place de la poudre

Racolage mercantile

 

Une affiche et deux films publicitaires illustrent ce type de discrimination:

  • Un homme noir portant une chéchia rouge et ne pouvant évidemment s'exprimer qu'en "petit-nègre" vante une poudre chocolatée: «Y' a bon, Banania». Une publicité que je vois encore affichée dans les wagons du métro dans les années cinquante. Devenue l'archétype de cette forme de discrimination négative, cette publicité datait de 1915 et était censée célébrer un tirailleur Sénégalais enrôlé dans la guerre 14-18. Marque d'une lente évolution des esprits, la représentation figurative sera remplacée par un croquis plus abstrait en 1967, l'homme Noir fera place un enfant Blanc et blond en 1970, le slogan «Y' a bon», un temps paradoxalement attribué au gamin, disparaîtra en 1977.

Y' a bon Banania publicité Jean Mineur et affiches, première minute

Affiches murales au premier étage d'un vieil immeuble
Banania au temps des bougnats (années 60 à Paris)
Paquets de produits YABON empllés avec leurs prix
Y a toujours bon - Photo prise dans un supermarché en juin 2022
Pub Moulinex
Des cadeaux pour Madame et pour sa cuisine
  • Les femmes sont surtout «au foyer» dans les années 50 mais, Moulinex les libérant, elles apparaissent ensuite dans des activités professionnelles moins valorisantes que les hommes. Il en est ainsi dans un court film réalisé pour la Société Générale. Une situation qui a évolué (je vois au moins autant de banquières que de banquiers aujourd'hui) mais qui correspond encore à une certaine réalité.

Banquiers et secrétaires, pub SG,1972, 2minutes 30

  • Les femmes sont largement utilisées par la publicité pour leur esthétique. Elles sont aussi présentées comme une récompense pour les hommes ... qui se seront procurés auparavant la voiture séductrice adéquate. Ainsi de cette publicité «Il a eu la voiture, il aura la femme», publicité reprise sous une autre forme par le groupe Volkswagen en 2012.

Il a la voiture, il aura la femme version 2012 : merci Volkswagen!, toutalego, 18 02 2012 45 secondes

Légende publicitaire pour une voiture Audi en 1993 : Il a la voiture, il aura la femme
Légende publicitaire pour une voiture Audi en 1993 : Il a la voiture, il aura la femme

Catalogage social

 

Le fait de cataloguer des personnes en fonction de leur position dans la société constitue une troisième forme de discrimination. Celle-ci a particulièrement sévi dans la période de colonisation. Deux films issus des actualités d'entractes présentent ainsi les «indigènes» comme des populations indolentes ayant eu bien de la chance d'être encadrées par la «présence Française» pour sortir du marasme économique:

  • en 1942. promotion des «réalisations coloniales en Afrique Occidentale Française» (le même film aurait sans doute tout aussi bien pu être réalisé une dizaine d'années plus tard),

Réalisations coloniales en Afrique Occidentale Française, Journal France Actualités, 30 10.1942, 5 minutes

  • en 1951, un argumentaire similaire est appliqué à la Tunisie : rien ne s'est passé entre les Romains et les Français colonisateurs si l'on en croit ce film.

   N.B. En 1955, 30% des enfants musulmans fréquentent l'école primaire.

Commentaire en guise de conclusion: «La route de l'avenir passe par la porte de France»

   N.B. la Tunisie gagnera son indépendance en 1956.      "

70 ans de présence française en Tunisie, Les actualités françaises, 1951, 14 minutes

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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