Véhicules métis

2020 Conjectures controversables

"   Avec le changement de siècle, la vente de véhicule monocorps commence à décliner au bénéfice de la renaissance des véhicules métis et, cette fois-ci, en grand nombre. De 2010 à 2018, leur nombre a ainsi progressé dans le monde de 35 à 200 millions.

 

Aux modèles de formes agressives parfois dotés de pare-buffles de première nécessité, se sont ajoutées d'une part des versions plus paisibles, moins volumineuses et, d'autre part, récemment, des modèles aux performances voisines des modèles classiques chers dits «premium», gros producteurs de CO2.

En Octobre dernier, l'Agence Internationale de l’Énergie a produit un rapport stigmatisant les «SUV» accusés de contribuer au réchauffement climatique. Une catégorie qui n'en est pas une comme on l'a vu précédemment. Ce document n'ayant pas été rendu disponible au grand public sur internet (fichier PDF facturé 120€...), la connaissance que l'on en a est celle fournie par le court résumé en anglais sur le site de l'AIE qui se contente d'asséner des affirmations sans préciser les bases sur lesquelles elles reposent et, d'autre part, les relations qu'en ont fait les organes de presse, lesquels s'en sont tenus à une transmission  (du moins n'en ai-je pas trouvé qui dépassent ce stade).

Agence Internationale de l'Energie, présentation (en anglais) de ce rapport, 15 10 2019

Pastille verte (en 2002)

J'apporte ici le résultat de mes propres investigations entreprises en 2018 pour remplacer une Citroën C5 acquise en mars 2002 par un véhicule plus adapté à un usage modifié (sans plus de caravane à tracter et pour de moins grands trajets).

La C5 turbo-diesel avait été gratifiée à sa sortie d'usine d'une pastille verte témoignant de la préoccupation écologique de son propriétaire mais, le gas-oil avait perdu son aura officielle et son odeur de santé, elle était maintenant affublée d'une vignette crit'air dégradante de niveau 4 et menacée de ce fait d'interdiction de sortie quand les compteurs mesurant la pollution s'affolaient.

Pastille Crit'air de niveau 4 (en 2018)

Éliminant l'option de traction électrique, pas justifiée économiquement pour un kilométrage peu élevé et trop contraignante (bornes de recharge en petit nombre et temps de recharge prohibitif), je recherchais seulement à redorer mon blason crit'air en le relevant au niveau 1. Après analyse des options offertes par le marché, mon choix se porta sur un véhicule métis C3 aircross turbo-essence. J'ai repris ici l'essentiel de cette analyse pour l'opposer aux conjectures (affirmations sans démonstrations) attribuées à ce rapport.

«Les SUV, des 4x4 urbains très populaires» (selon la voix du nord)?

La voix du Nord 16 10 2019 texte illlus + film 1 minute

Évoquant des véhicules urbains, on pense naturellement à des voitures dont les dimensions facilitent la circulation et le stationnement en ville, pas forcément à des micro-voitures comme les Smart mais à celles classées comme des citadines, par exemple aux deux voitures les plus vendues en France, la Renault Clio et la Peugeot 208. L'ajout du qualificatif «très populaires» conforte cette interprétation. Or, aucune des versions métis de ces voitures (Renault Captur, Peugeot 2008, Citroën C3 Aircross) n'est proposée en version 4x4, même en option.

Idem si l'on considère que cette dénomination s'applique aussi aux véhicules de catégorie supérieure les plus vendus en France (Peugeot 3008 / 5008, Citroën C5 Aircross, Renault Kadjar).

A l'exception de la Fiat Panda 4x4 et du Dacia Duster 4x4 de diffusions extrêmement limitées, les autres productions sont commercialisées à plus de 50000€ (souvent nettement plus) et n'ont donc rien de «très populaires».

Alors de quoi parle t'on?

 

Au plan mondial, les 4x4 prétendument sportifs qui produisent deux à trois fois plus de CO2 (et qui sont particulièrement appréciés dans les pays détenteurs de pétrole) suffisent-ils à justifier un résultat mondial diffusé tel quel en France?

 

«Ces véhicules consomment un quart d'énergie en plus par rapport à une voiture de taille moyenne» (la voix du nord reprenant la formulation en anglais figurant sur le site de l'AIE)?

La voiture de taille moyenne est à l'automobile ce que l'homme moyen est à l'humain. De nouveau, faute de fournir les données sur lesquelles cet axiome repose, je ne peux que m'étonner.

Si l'on compare ce qui est raisonnablement comparable, on peut effectuer:

  • une première comparaison avec le modèle «classique» (ici, la C3). Le volume de l'habitacle de celle-ci est moindre car la hauteur supplémentaire donne plus d'espace aux passagers de la version Aircross et à leurs bagages,

  • une deuxième comparaison, à mon sens plus justifiée, avec un véhicule classique compact offrant une habitabilité plus proche comme par exemple la Renault Mégane (en l'occurrence j'ai choisi celle ayant la plus faible cylindrée pour ne pas créer un avantage artificiel au véhicule métis en termes de consommation d'énergie).

Selon les informations fournies par la Centrale:

La Centrale, caractéristiques des véhicules

Mercedes  CLA 45 S AMG - 189g C02/km - 70 000€ - l'accès des passagers à l'arrière est lui aussi "sportif"...
Mercedes CLA 45 S AMG - 189g C02/km - 70 000€ - l'accès des passagers à l'arrière est lui aussi "sportif"...
  • le coffre de la C3 Aircross varie de 410 litres à 1289, celui de la Mégane de 384 à 1247 et celui de la C3 de 300 à 922,

  • pour ce qui concerne les passagers, comme expliqué précédemment, la hauteur augmentée de la C3 Aircross par rapport à la Mégane offre une assise plus verticale, libérant un espace utile aux jambes plus ample. Outre cet aspect anthropométrique, la position est plus adaptée à un baby-boomer (avis d'un médecin de cure thermale) et l’accès aux places (particulièrement aux places arrière) est également plus aisé.

Turbo, essai Mercedes CLA 45 S AMG, 5 8 2019, texte et illustrations

Si l'on considère les caractéristiques énergétiques (celles qui sont a priori du domaine de l'AIE), on observe les résultats suivants:

  • la consommation supplémentaire de la C3 Aircross par rapport à son homologue classique n’excède pas 0,1 litre aux 100 kilomètres et se traduit par une production additionnelle de CO2 de 1 gramme par kilomètre malgré un poids à vide supérieur de 109 kilos (1159 kilos),

  • par rapport à la Mégane, la C3 Aircross consomme entre 0,4 et 0,9 litre de moins et produit 12 grammes de CO2 de moins pour un poids inférieur de 101kilos.

Le moins que l'on puisse en dire est que l'on est très loin de prouver ici la pertinence des 25 % supplémentaires.

Il suffit de comparer les données des gammes de berlines classiques d'une part et celle des véhicules métis d'autre part pour constater que les valeurs moyennes n'ont pas plus de sens que l'opération consistant à mélanger des choux et des carottes, opération qui ne débouche finalement que sur la production de … salades.

Renault 16 TS routière haut de gamme de Renault de 1968 à 1974
Renault 16 TS

J'ajouterai que les catégories ont une valeur très relative et que, notamment, la qualification de citadines ne confine pas ces voitures aux artères des cités. Pour l'illustrer, la C3 Aircross se compare favorablement à celle qui fut la routière haut de gamme de Renault de 1968 à 1974, la Renault 16 TS:

  • Cylindrée: 1199 / 1565 cm3

  • Puissance; 110 / 85 chevaux

  • Vitesse maximale: 186 / 165 km/h

  • Longueur: 415 / 423 cms

  • Largeur: 175 / 165 cms

  • Coffre: 410-1289 / 346-1200 litres

 Raison donnée à la surconsommation «ils sont souvent plus lourds et moins aérodynamiques» (la voix du Nord)

 

L'argument du poids ne tient pas quand on compare ce qui est comparable comme on vient de le voir.

Sur le plan de l'aérodynamisme, il y a très loin par exemple d'un Renault Captur à la ligne plutôt fluide aux quasi-verticales d'un 4x4 Mercedes de classe G.

Mercedes 4x4

Quant à la surconsommation résultante, sur un parcours récent de 300 kilomètres aller et retour faits de route et d'autoroute (par conséquent sensible à l'aérodynamisme, ce qui n'est pas le cas pour un usage citadin), j'ai enregistré en mode «bluetooth» (donc précisément):

  • à l'aller avec 4 personnes à bord et quelques bagages: 5,5 litres/100kms,

  • au retour avec 2 personnes à bord et sans bagage: 4,9 litres.

Un gouffre?

 

«En cas d'accident, ils sont plus dangereux» (LCI)

LCI  Dangereux, polluants... faut-il restreindre l'usage des SUV ?  10 09 2019 texte et illustrations

Avec cet argument, on est encore loin du cadre de l'AIE. Ce ne serait pas une raison pour l'écarter s'il ne reposait pas sur la relation d'un accident tragique survenu à Berlin ou 4 piétons ont été tués par un Porsche Macan (un SUV «sportif»). Qui peut prétendre que le même accident survenu avec une Porsche basse, une Ferrari ou tout autre coupé «sportif» de ce genre, tout autant grand émetteur de CO2 que le Macan, aurait épargné ces victimes?

Au plan européen, il existe un organisme qui évalue la dangerosité des véhicules y compris pour les piétons, EuroNcap. Dans son classement de 0 à 5 étoiles basé sur des protocoles d'accidents on trouve sur toute cette grille aussi bien des véhicules métis que des véhicules classiques.

Caradisiac voitures les plus sures et les moins sûres selon euroncap par catégories texte et illustrations

Les camions (qui sont une source de pollution significative) laissent moins de chances de survie à ceux qu'ils rencontrent. Pourquoi alors ne pas le rappeler et ne pas proposer de limiter leurs norias (privilégier les circuits courts, le train et le ferroutage) ?

Réseau Action Climat France, camions : 25% des émissions de CO2, 4 2 2019, texte

Et ou sont les données tangibles qui permettent de conclure à un surcroît de dangerosité des véhicules métis par rapport aux véhicules classiques?   "

...

«Pour pouvoir aboutir à des solutions valables, il faut tenir compte de la réalité»     Charles de Gaulle – Mémoires d'espoir

Chronique publiée en janvier 2020

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

Pour faire un commentaire, une suggestion, une critique, cliquez sur ce lien