Prénom

1993 Prénoms inusuels

...

"Il peut paraître surprenant à ceux qui n’ont pas connu les décennies d’après-guerre d’apprendre que la liberté de choix était alors très restreinte et pas seulement du fait de la tradition favorisant la réutilisation de prénoms de proches (ancêtres, parrain, marraine …)."

"Ainsi, en 1966, l’article 223b stipule que « le cas échéant, sous réserve des justifications appropriées, peuvent éventuellement être admis » (la loi ne précise pas quand le cas échoit, ni quelles justifications il convient de produire) des prénoms comme Yvan, Nadine, Violette, Chantal et Xavier (entre autres). L’article 223c ajoute que « exceptionnellement » les officiers d’état-civil peuvent accepter des prénoms comme Marlène, Sylviane ou Ghislaine. En cas de désaccord, il convient, stipule le texte, de faire appel au Tribunal de Grande Instance.

Même si, dans la pratique, ces dispositions sont appliquées avec beaucoup de souplesse (l’épouse de mon parrain se prénommait déjà Violette), il n’en demeure pas moins que cela ne relève que du domaine du bon-vouloir de l’officier d’état-civil et qu’il faudra attendre la loi du 8 janvier 1993 pour que ces préventions soient levées."

"... attribuer en 1981 à notre fille le prénom, en rien extravagant, d’un personnage de Marcel Proust suscita de la part de l’officier d’état-civil une demande d’explication et même de fournir la « justification », en l’occurrence un exemplaire de l’ouvrage attestant de l’existence et de l’orthographe …

La sagacité des officiers d’état-civil orléanais avait pourtant laissé passer un prénom entrant explicitement dans la liste des prénoms nécessitant des « justifications », Yvon, et qui, associé au nom de famille, composait une déclaration surprenante. Dans les années soixante-dix en effet, 27 rue Marcel Sanglier, à deux pas de la place du Martroi, le marchand de chaussures chez lequel je me fournissais arborait sans complexe en gros caractères calligraphiés peints au fronton de sa boutique : Yvon Anchier."

...

"Avec la loi de 1993,toutes les barrières n’ont pas été levées et, pour n’en donner qu’une illustration, le journal télévisé du 19 février 2010 faisait état du refus de l’étonnante soumission de « Périphérique ».

...

"Se voir affublé d’un prénom difficile à porter peut certainement induire un comportement de réserve extrême ou, à l’inverse, de hargne rancunière et provocatrice. Par contre, je tiens pour une faribole le fait de pouvoir déduire du prénom un caractère, ainsi que le prétendent plusieurs auteurs d'ouvrages à succès.

Si je pouvais avoir une once de crédulité, un rapide inventaire des Philippe si divers que je connais suffirait à démontrer l’inanité d’une telle doctrine. Et le même exercice conduit en comparant le profil de telle personne publique avec le « caractérogramme » (expression utilisée par Pierre Le Rouzic dans son « best-seller » ) ne peut que faire sourire. Ce « caractérogramme » a pour ambition de fournir une « évaluation caractérologique » des détenteurs d’un même prénom, supposés constituer une secte homogène, selon quatre critères : la volonté, l’émotivité, la réactivité et l’activité.

A chaque prénom sont associés divers attributs. Un « Philippe » se verrait associer la couleur verte (je n’affectionne pas spécialement le vert), le signe du lion (comme si les « Philippes » devaient avoir vu le jour en juillet-aout) et l’acacia serait leur végétal (sa floraison m’a longtemps provoqué une allergie).

J’ajoute pour compléter le tableau que le feu est mon élément, l’ibis mon animal et l’aluminium mon minéral, confirmation sans doute que l’on ne se connait pas bien soi-même.

Poursuivant la lecture de mon « type caractérologique », je ne peux que me féliciter du choix fait par mes parents de m’avoir fait accéder à la secte des « Philippes ». Je cite : « vive intuition, activité dévorante, affectivité large, moralité efficace, vitalité prodigieuse, dynamisme, sociabilité extrême, très riche personnalité ». En conclusion les « Philippes » sont des « êtres de grande surface caratérologique»."

 

Chacun jugera des traits communs extraordinaires attribués aux "Philippes" ... 

 

"A l’évidence, le choix d’un prénom peut être révélateur de la mentalité des parents (qualifier sa progéniture de « périphérique » …) ou de leur classe sociale (la probabilité est faible qu’un ouvrier prénomme son fils Ernest-Antoine) mais il ne peut permettre de préjuger des aptitudes ou du tempérament de son involontaire détenteur.

Je serais presque tenté de dire que l’attribution d’un « prénom pour la vie » (titre de l’ouvrage de Pierre Le Rouzic) par les parents constitue une forme d’abus de pouvoir et qu’une liberté reste à conquérir : choisir son prénom d’adulte à l’âge de la majorité légale."

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

Pour faire un commentaire, une suggestion, une critique, cliquez sur ce lien