Précarité

1966 Concession à perpétuité ?

"Face à la situation peu brillante de l'emploi en France que chacun peut constater en 2015, l'opinion se répand en vertu du fameux adage «c'était mieux avant» que, lorsque les baby-boomers entraient dans le monde du travail, tout était paradisiaque, que les entreprises s'arrachaient les rares travailleurs momentanément désœuvrés et que l'emploi garanti à vie constituait une norme à laquelle personne ne songeait à déroger.

 

Il faut tempérer cette vision d'un paradis perdu qui ignore – ou bien oublie – que les horaires laissaient moins de place à d'autres intérêts et que les conditions de travail étaient moins sûres (l'amiante copieusement répandue, les marteaux-piqueurs qui ébranlaient leurs manipulateurs comme des pantins …). Être gratifié d'un emploi à vie pouvait aussi conduire plus vite à la mort.

Certains théoriciens vont même jusqu'à rendre responsables en bloc les baby-boomers de cette perte du paradis perdu, de cette vie rêvée dont ils n'auraient été que d'égoïstes profiteurs insoucieux de leurs descendants. Et quand cette thèse est défendue par des baby-boomers, qui pourrait la mettre en doute ...?

Certes le pourcentage de chômeurs permettait encore d'évoquer le plein emploi et la durée du contrat de travail n'était pas discutée (sauf bien entendu pour l'intérim peu répandu).

Ceux qui n'ont pas vécu cette période peuvent le vérifier de visu en consultant les reportages disponibles sur le site de l'INA . Ainsi, en 1963, une grande manifestation des mineurs de Provence est organisée à Marseille. A juste titre puisque, par exemple, la mine de lignite de Manosque ferme en 1965.

 

En cette année 1966, mon père âgé de cinquante ans, est employé depuis son retour de captivité par une entreprise qui l'a apprécié au point de lui confier rapidement un poste d'encadrement. Cette entreprise quitte Saint-Mandé (première couronne de Paris) dans le cadre d'une décentralisation à Grenoble (les entreprises ne se transferrent pas encore dans des pays à coûts salariaux faibles mais le plan de décentralisation conduit un certain nombre d'entre elles à transférer des activités en province).

Mon père, qui a ses attaches à Paris et en Basse Normandie, ne suit pas. Il va alors alterner deux courtes périodes de chômage et de travail avant de retrouver l'emploi moins qualifié qu'il occupera jusqu'à sa retraite.

 

Déjà, à la cinquantaine, il n'est pas si aisé de retrouver un emploi satisfaisant …"

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France-Soir, rue Réaumur, journal à grand tirage des années soixante
France-Soir, rue Réaumur, journal à grand tirage des années soixante

"La consultation des films sur le site de l'INA confirme que l'accès à un emploi n'était pas dénué d'obstacles. Une émission «cartes sur table» réalisée en 1968 montre des jeunes, qualifiés ou pas, rencontrant des difficultés à s'insérer professionnellement.

 

Dans un autre dossier, également constitué en 1968 et consacré à l'«envers des petites annonces», on peut voir des personnes attendant fébrilement la parution de la première édition de France-soir à son siège, rue Réaumur, pour avoir la primeur des offres d'emploi du jour.

 

Nous voilà très loin d'une situation propre à faire rêver …"

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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