Baby-boomer
Livre
2007 Livre télévisé
" L'année et le titre que j'ai choisis méritent une explication. J'aurais tout aussi bien pu intituler cette étape livre numérique, livre électronique ou hibouc car c'est de de cette évolution cruciale dans la vie du livre qu'il va être ici question.
Le choix de livre télévisé vise à évoquer les relations entre le livre que l'on lit et ce que l'on en voit – ou pas – sur un écran. La relation entre livre et télévision a d'abord pris un tour antagonique. Pour beaucoup de mes contemporains des années cinquante, l'image animée menaçait le récit écrit et il fallait par conséquent la proscrire, refuser de s'équiper d'un téléviseur.
Dès 1949, l'écran cathodique entre en concurrence avec le papier imprimé: premier journal télévisé. Et l'attrait pour l'actualité télévisée atteint son apogée le 2 juin 1953 pour le couronnement de la reine Élisabeth. En cette même année 1953, le livre a son émission avec «Lectures pour tous». On y parle des livres avec ou sans leurs auteurs mais les textes des livres eux-mêmes ne font l'objet que de rares et courtes citations. Cette émission ne sera plus au programme après mai 1968 mais la formule sera reprise de façon quasi-interrompue jusqu'à nos jours.
Seuls les textes des pièces de théâtre ont droit de cité (la soirée du mardi leur est réservée sur l'unique chaîne de télévision). Apparaît en 1961 une émission consacrée à la poésie: des comédiens souvent poseurs se succèdent à la queue leu-leu pour déclamer des textes en l'absence d'un fil conducteur. «Le club des poètes» ressemble plus à une émission entre-soi qu'à une ouverture susceptible de faire apprécier des textes. Les images conservées par l'INA confortent mon impression des années soixante.
En fait, selon mes investigations – comme à l'accoutumée soumises à la contestation des lecteurs -, en 2007, aucune émission de télévision n'a encore offert de lectures de textes littéraires. Ce sera réparé en 2008 avec sur le canal 8 «voyage au bout de la nuit», une émission programmée entre 3h et 7h … ne recueillant de ce fait que quelques dizaines de milliers téléspectateurs.
Malgré cette absence des livres (et pas de leurs auteurs) et en dépit de la multiplication des chaînes, les ventes de livres ont continué à augmenter, démentant ainsi les craintes initiales: de 1950 à 1975, période de fort «décollage» des ventes de téléviseurs, la production de livres avait triplé.
Il est vrai que des textes littéraires, en versions intégrales ou sous formes d'extraits sont apparus sur d'autres écrans que ceux des téléviseurs, notamment avec le projet Gallica de la Bibliothèque Nationale de France en 1997 et avec la création de Google Books en 2005 .
Alors, pourquoi avoir choisi 2007 comme année significative?
Parce que cela correspond à l'apparition de la liseuse Kindle d'Amazon, liseuse spécifiquement élaborée pour la lecture d'ouvrages. Dotée d'un rétro-éclairage, elle permet de lire en toutes circonstances, y compris en plein soleil. Ce n'est pas historiquement la première liseuse mais ce sera rapidement la plus répandue parce que portée par l'imposant catalogue de l'entreprise.
A ce stade, je dois préciser que je ne suis pas doté d'une liseuse bien que je consulte fréquemment des textes sur internet notamment dans le cadre de la préparation de ces chroniques. Pas tenté par cet achat, je ne retiendrai pas les effets de l'âge et de l'habitude mais plutôt le fait que mes consultations sont quasiment toujours de courte durée. Elles utilisent intensément les moteurs de recherche et les accès aux dictionnaires, encyclopédies et sites de référence.
Elles tiennent de la pêche aux informations et non de la plongée dans l'univers d'un auteur.
En utilisant internet à cette fin de recherche ponctuelle, j'ai ainsi appris non sans surprise que, selon le Syndicat National de l’Édition, la littérature ne représente que 10% du chiffre d'affaires total de l'édition en France . Cela laisse un fort potentiel d'expansion du livre numérique dans les autres domaines:
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80% pour les domaines universitaires et professionnels (qui comportent une large part de recueils consultables ponctuellement),
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7% pour un domaine composite regroupant sous l'intitulé «grand public» des bandes dessinées mais aussi des dictionnaires, des ouvrages pratiques également consultables en cas de besoin,
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3% pour le domaine scolaire.
La consultation de recueils comme le Vidal pour les médecins ou du Dalloz pour les juristes constituent des exemples d'usage du numérique pour lequel le recours à un moteur de recherche est souvent plus efficace et plus rapide que la consultation de la table des matières d'un livre sur un support manipulable.
Mais le livre conserve d'autres atouts:
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il demeure un beau cadeau doté de l'effet de surprise de l'ouverture du paquet bien enveloppé (concurrence difficile pour le livre numérique),
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chaque ouvrage a sa forme propre, sa couverture représentative du contenu, sa quatrième de couverture,
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il se prête et s'échange,
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il n'est pas dépendant du logiciel d'un fournisseur.
L'avenir à court terme (jusqu'en 2019, année d'écriture de cette chronique) montrera une croissance constante des ventes de livres numériques, croissance qui permettra d'atteindre une part du marché estimée de l'ordre de 5% (quand aux États-Unis, on en est à 25%).
Jusqu'à présent, le livre imprimé résiste bien, une majorité de lecteurs semblant partager l'appréciation de Cécile Pivot: «si je devais lire sur tablette, si l'objet livre disparaissait, aurais-je autant de plaisir à lire? Définitivement non».
Vraiment définitivement ? "
Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer
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