Journaux

2012 Virtuels avant fermeture définitive ?

"En France, les premières manifestations de la presse virtuelle, celle qui se dispense du papier pour ne s’afficher que sur des écrans, remontent aux années quatre-vingt avec le minitel.

"Le déploiement s’opère à plus grande échelle avec la survenance d’internet dans les années quatre-vingt dix. Ainsi par exemple, le site du journal « Le Monde » naît-il en 1995.

Jusqu’à la fin 2011, les sites internet des journaux constituaient une vitrine, un appendice des entreprises de presse dont l’activité principale demeurait l’édition quotidienne de milliers d’exemplaires en papier.

L’année 2012 débute après la disparition d’un journal, « France-Soir », sous sa forme traditionnelle et son unique manifestation, dorénavant, sous une forme numérique, virtuelle.


Cela ne serait pas outre mesure préoccupant si ce changement répondait à une évolution des goûts et pratiques d’une majorité de ses lecteurs. Après tout, un journal « en ligne » bien fait peut faire valoir des arguments : des reportages, des analyses, des images constamment mises à jour et accessibles de partout sans effort particulier."

 

"Hier, pour atteindre les lecteurs, on employait des crieurs de journaux qui s’époumonaient sur les grands boulevards de Paris pour écouler la dernière édition (France-Soir en avait jusqu’à sept sur une demi-journée). Aujourd’hui, des nouvelles fraiches sont disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre sans devoir affronter les intempéries. De plus, il est aisé, grâce aux liens hypertextes, de trouver les articles déjà édités sans devoir procéder à une problématique exhumation de la pile de vieux journaux."

"Le hic tient au fait que le citoyen, déjà abreuvé d’informations souvent gratuites ou quasiment (les chaînes d’information notamment) n’est plus toujours prêt à payer la dîme qu’il acceptait sans regimber quand la seule alternative était la radio."

Page de France-Soir sur l'affaire de Bruay
France-Soir : notable donc coupable ...

"Certes, personnellement, je ne regretterai pas le journal « people » qu’il était devenu, non plus d’ailleurs que celui de 1972 qui titrait au sujet de la malheureuse affaire de Bruay en Artois : « le richissime notaire n’a pas d’alibi ».

Le France-Soir auquel va mon attachement est celui qu’achetait quotidiennement mon père, celui grâce auquel, aux premiers temps de mon apprentissage de la lecture, je décryptais fièrement les quatre syllabes « do, mi, ni, ci ".

Affichette publicitaire pour France-Soir

"Dans ses présentoirs, France-Soir s’affichait alors comme « le seul quotidien tirant à plus d’un million d’exemplaires ». Dès 2008, on en était à 23000 exemplaires, même pas le tiers du tirage de « La République du Centre », quotidien régional de l’Orléanais. Le 15 décembre 2011 parait le dernier numéro après 67 ans d’existence."

"Le scénario se répète le 30 janvier 2012 avec le quotidien économique « La Tribune » dont on dit alors qu’il pourrait reparaître le 6 avril. Le 6 avril passe sans que La Tribune ne fasse sa réapparition dans les kiosques.

Le quotidien régional « Paris-Normandie » pourrait subir le même sort. Avant d’autres encore ?"

...

Les pertes de recettes publicitaires affectant l’équilibre financier n’expliquent pas tout. On constate une incontestable désaffection à l’égard de la presse quotidienne, une situation que le milliardaire américain résume ainsi de façon lapidaire : « Les lecteurs de journaux prennent la direction des cimetières pendant que les non-lecteurs de journaux sortent des universités". Une assertion que ne démentent pas les chiffres : en 2010, l’âge moyen des lecteurs est de 50 ans et de 1967 à 2011, la part des lecteurs réguliers est passée de 59% à 34%. 

Face à cela, le risque est plus grand de voir s’amenuiser corrélativement une population de journalistes compétents garants du pluralisme des opinions que celui d’abandonner les rotatives au profit de la toile.

Des voies sont explorées depuis peu pour endiguer ce phénomène. Il en est ainsi de la mise à disposition des quotidiens tels quels sous une forme électronique à un prix plus modique grâce à l’économie réalisée sur les lourdes charges de distribution. Si la formule peut apparaître séduisante en apportant sans coup férir, directement du producteur au consommateur, l’information dans sa boîte à lettres électronique (sans aléas ni effets des grèves des ouvriers du Livre ou des réseaux de transport), elle trouve ses limites dans le constat que les mêmes journaux offrent déjà dans leur vitrine sur internet une partie des informations du journal de manière gracieuse et avec en plus les fonctions additionnelles précédemment mentionnées."

"Par contre, l’apparition de sites à accès payant offrant une information pointue, du journalisme d’investigation et des analyses approfondies semble constituer une veine plus porteuse.

Après tout, « Le Canard Enchaîné » vit fort bien depuis des décennies avec le seul support de ses lecteurs …

 

Avec le repli sur internet de plusieurs titres, 2012 marque indubitablement un tournant.

Vers quoi ? La suite au prochain numéro …"

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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