Jeux d'argent

1962 L'Etat ludique

"Pour mes parents, les jeux de hasard n’étaient tolérables qu’à la condition qu’ils ne soient pas assortis d’enjeux financiers. Le niveau le plus achevé de jeu de hasard auquel ils se soient livrés (en dehors des « petits chevaux » et du jeu de l'oie en ma compagnie) est sans doute celui des loteries dans des fêtes locales et de bienfaisance."

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Café de l'abreuvoir à Montmartre dans les années 50
Café de l'abreuvoir à Montmartre dans les années 50. Il reste peu de ces "bistrots" aujourd'hui et la formule "pilier de bistrot" est donc devenue moins expressive.

"Pour eux, jouer une part de son salaire, c’était comme sombrer dans l’alcoolisme ou se muer en « pilier de bistrot ».

Autant dire que le café-PMU était de ce fait le lieu de débauche absolu dans lequel les malheureux dévoyés tentaient de troquer leur morne existence contre l’espoir d’une oisiveté cousue d’or : le jeu était en quelque sorte l’« opium du peuple »."

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"Au reste, la société vivant de son travail n’était pas la seule touchée par le fléau : il atteignait aussi cet autre monde que l’on appelait alors le « grand monde » sans bien savoir ce qui justifiait cette distinction flatteuse.

 

Celui-ci hantait les casinos et les champs de courses.."

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Photo du film "le gentleman d'Epsom"

"Jean Gabin interprétant dans le film de Gilles Grangier « le gentleman d’Epsom », un prétendu gentleman traficotant à l’hippodrome de Longchamp, illustrait bien pour moi en cette année 1962 l’image malsaine que je me faisais du « monde des courses »."

Marchande de billets de loterie à Paris

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"Mes parents étaient plus indulgents à l’égard de la Loterie Nationale qu’envers les courses et les casinos. Le hasard pur éloignait les escrocs et les vendeurs de billets étaient plus fréquentables, à commencer par les « gueules cassées » , ces soldats abimés par la guerre 14-18 à qui avait été consenti un tirage spécial. Les vendeuses de billets dans leurs petites cahutes constituaient un élément du décor parisien au même titre que les marchandes de journaux dans leurs barnums et les marchandes de quatre-saisons derrière leurs charrettes à bras achalandées aux Halles centrales, une vie en plein air loin des effluves malsains des cafés-PMU."

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"Cependant, deux ans auparavant, en 1960, les courses tout comme la loterie nationale s’étaient invitées dans la cellule familiale avec l’acquisition d’un téléviseur."

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"Comme aux actualités cinématographiques, on ne manquait pas de glorifier les « heureux gagnants » de la Loterie Nationale et le hippisme avait trouvé en Léon Zitrone un convaincant zélateur des courses à paris."

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"La télévision accueille aussi d’autres jeux qui peuvent "rapporter gros". Ceux-ci s’inspirent directement des jeux radiophoniques des années cinquante : des candidats font montre d’une érudition hors du commun en répondant à des questions de difficulté croissante."

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"Cependant, comme le spectacle télévisé ne se limite pas à présenter les visages crispés ou triomphants d’un animateur et d’un candidat, on adjoint bientôt à ces séquences « en plateau » d’autres séquences « en extérieur »."

 

"Ainsi « La roue tourne » alterne t’elle le questionnement du candidat sur l’histoire de France et le parcours de nos routes en Dauphine Renault, une Dauphine au volant de laquelle le gagnant repart seul hors antenne. Dans l’émission, « La tête et les jambes », la mémoire d’un candidat se double de l’aptitude sportive d’un autre.

Un peu plus tard, en 1970, l’émission « Cavalier seul » exigera d’un même candidat les deux capacités et c’est ainsi que l’on pourra voir le 25 avril 1970 Laurent Fabius, alors âgé de 23 ans, aux côtés de Pierre Bellemare, démontrer ses connaissances en  littérature (il est déjà – entre autres - agrégé de lettres) et son habileté dans une épreuve de saut d’obstacle à cheval."

"« Intervilles », animé par Guy Lux et par Léon Zitrone, combine ces deux dimensions d’érudition et de sport en les inscrivant dans l’ambiance d’une compétition bonasse entre deux villes moyennes, laissant libre cours à l’esprit de clocher des habitants et de leurs édiles rassemblés sur les grandes places ."

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"Subsisteront jusqu’à nos jours des jeux basés sur l’utilisation de connaissances basiques ou futiles (liées à la vie des « vedettes » notamment) dans lesquels la bonne réponse sera donnée à choisir parmi plusieurs autres et avec en outre la possibilité offerte aux candidats de se faire aider par le public ou par des amis. Tout un chacun pourra ainsi être candidat à « gagner des millions ».

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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