Interlude

1956 Sans histoire, sans paroles

"Bien que les techniques n’aient rien de commun, on peut établir un parallèle entre le développement de l’aéronautique et celui de la télévision : dans les deux cas, les moyens mis en œuvre et le nombre de clients concernés d’abord restreints croissent dans des proportions prodigieuses dans les trois décennies suivant la deuxième guerre mondiale."

"Ainsi, le journal télévisé, à sa création, est réalisé par une poignée de journalistes dotés de quelques caméras et disposant d’un unique studio riquiqui. Les actualités sont présentées avec des films montés à la hâte (et qui se déchirent) et des transmissions en direct depuis le studio de la rue Cognacq-Jay (anciennement pension de famille) sans guère de moyens de substitution en cas d’incident."

Dans l'abécédaire, d'autres illustrations de ces débuts de la télévision

Mire de la RTF

"La naissance des interludes s’inscrit dans ce contexte expérimental caractérisé par une grande variété des sources d’ « interruptions indépendantes de la volonté » (selon la formule consacrée) des protagonistes de la télévision.

Pour que le téléspectateur sache que son cher (très cher) récepteur n’est pas en cause, on peut certes utiliser un simple panneau d’indisponibilité momentanée du service sur le mode « la concierge est dans l’escalier ». En l’occurrence, cela donne quelque chose comme : « veuillez nous excuser pour cette interruption momentanée ».

L’affichage de la mire pourrait avoir le même rôle tranquillisant mais celle-ci est d’abord destinée aux installateurs de récepteurs en dehors des heures de diffusion des programmes, ce qui est du reste parfaitement compatible avec les horaires de travail habituels puisque l’écran ne s’anime qu’à l’heure du déjeuner et le soir (relâche le mardi durant les années d’après-guerre)."

Pendule RTF

"L’ « étrange lucarne » comme on l’appelle alors (ce qui illustre d’ailleurs son essence insolite) en cas d’incident peut aussi se muer en pendule dotée d’un cadran très semblable à celui des carillons du catalogue des armes et cycles de Manufrance."

Carillon Manufrance

"Cependant, dès 1949, deux speakerines ont été embauchées pour annoncer le programme à venir … et se confondre en excuses lorsque celui-ci est interrompu, retardé, déprogrammé …La speakerine constitue l’alter ego pour la télévision du speaker à la radio nationale mais, tandis que le speaker s’inscrit dans un registre « maître des cérémonies » et se caractérise par sa diction exemplaire, la speakerine, élégante et accorte, joue plutôt la « maîtresse de maison » familière."

"Cependant, malgré son affabilité, la speakerine n’étant pas en mesure de disserter indéfiniment sur un incident dont elle ne connait ni l’origine ni la durée, la télévision française (qui n’est pas encore un office) crée par conséquent l’interlude en tant que programme propre."

"Dans cette première version, il s’agit d’images de la nature, une nature sans humains et dans laquelle nul événement ne survient, presque une nature morte. Diffusé sans commentaires sur une musique apaisante, voire soporifique, les images de l’interlude se distinguent de celles du « documentaire » (le court métrage constituant alors la première partie des séances de cinéma) par l’apparition à intervalles réguliers au centre de l’écran de la mention « interlude ».

De cette année 1956, l’Institut National de l’Audiovisuel conserve une séquence de près de 6 minutes qui est très représentative des programmes d’alors. La télévision retransmet ce jour-là un de ces événements qui lui gagnent un public populaire au même titre que le couronnement de la reine d’Angleterre trois ans auparavant : le mariage du prince de Monaco et de Grace Kelly. La séquence commence avec l’annonce de l’événement par la speakerine Jacqueline Caurat mais, comme l’on est un peu en avance sur l’horaire, suit un interlude interrompu par une mire de l’eurovision accompagnée du Te Deum de Marc-Antoine Charpentier (indicatif interprété deux fois). Durant les minutes qui suivent, le spectacle n’est pas sans rappeler celui de l’interlude : il s’agit d’un interminable panoramique sur la baie de Monte-Carlo que le journaliste, Claude Darget, commente minutieusement mais avec détachement évident (« voici la passe, passons … »). Il convient ici de préciser que, interludes ou autres programmes, la télévision est bien moins fébrile qu’elle ne l’est devenue. On ne connait ni les spots, ni les clips et les interviews de personnalités peuvent durer des minutes en plan fixe et dans un décor d’une sobriété monastique … "

"A la fin des années quatre-vingt, alors que le souvenir de cette période sera encore présent dans la mémoire de beaucoup, le groupe humoristique « Les nuls » entreprendra sur la chaîne à péage Canal+ une histoire de la télévision." ...

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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