Guerre

1961 Les "événements" à Paris

"La guerre s’est ouverte depuis sept ans avec l’Algérie mais les autorités françaises préfèrent la dénommer «événements» ou « opérations de maintien de l’ordre » car «l’Algérie, c’est la France» même si le Petit Larousse illustré donne alors de l’Algérie cette étonnante définition: «groupe de départements français du Nord-Ouest de l’Afrique, capitale Alger». Une capitale sans pays par conséquent."

Harkis en patrouille dans le 13ème arrondissement
Harkis en patrouille dans le 13ème arrondissement

"A Paris, les Harkis sont présents là ou sont leurs compatriotes issus de la terre algérienne. Ils sont utilisés comme une «force de police auxiliaire» depuis Août 1959 et ne sont, dans ce cadre, employés que pour contrôler les Algériens de souche.

 

A proximité de notre domicile, on les voit beaucoup quand on s’enfonce dans le treizième arrondissement et peu dans le cinquième, plus huppé. Le treizième a alors de nombreux logements vétustes, voire insalubres qui accueillent évidemment de manière «privilégiée» les travailleurs pauvres, dont ceux de nos colonies.

 

La partie haute de l’avenue des Gobelins, près de la place d’Italie, rassemble plusieurs salles de cinéma (le Kursaal, la Fauvette, le Palais des Gobelins …) que fréquentent notamment des Algériens. On y voit donc les « calots bleus » qui effectuent leurs opérations selon un protocole bien réglé : l’un demande les papiers, un deuxième les fouille, un troisième les tient en joue et le reste de la troupe se poste aux aguets pour une très hypothétique contre-attaque."

"Sans doute fiers du rôle qui leur est attribué par la police, sous la responsabilité du Préfet Papon, ils le jouent non sans une évidente superbe et sans aménité à l’égard de leurs « pays » qu’on les voit traiter sans ménagement sur les trottoirs de l’avenue des Gobelins, probablement confiants dans la solidarité qui leur est promise par les autorités auxquelles ils se sont ralliés.

 

Ce que je ne vois évidemment pas mais que rapporte Paulette Péju dans son livre sur «les harkis à Paris», ce sont les violences exercées par certains sur leurs congénères. Elle consacre une centaine de pages à citer des témoignages, des constats médicaux et des plaintes (jamais suivies d'effet) qui donnent une bien triste image de ces «événements» à Paris et, plus spécifiquement, au «poste des forces auxiliaires» sis au 28 rue de la Goutte d'or.

 

Les choses prennent une tournure de guerre civile lorsque le FLN commet des attentats contre les harkis les 21 mars et 1 avril, attentats qui provoquent en réaction la mise à sac par ces derniers du quartier de la Goutte d'or le 2 avril. Selon Paulette Péju, on dénombre alors 127 blessés graves, 300 algériens molestés et 32 établissements pillés.

 

On cherche vainement trace de ces «événements» dans les actualités cinématographiques du 5 avril, lesquelles ne sont portant pas avares d'informations sur ce sujet. Ainsi, deux ans auparavant, l'édition datée du 1 avril 1959 consacrait une longue séquence à la conférence de presse consacrée au devenir de l'Algérie du Président De Gaulle "inimaginable sans l'action de la France", une autre au voyage du Premier Ministre Debré à Constantine et une dernière à l 'élimination d'un membre important du FLN, le colonel Amirouche, "mort pour un combat qui a depuis longtemps perdu toutes ses raisons", événement survenu deux jours avant le bouclage de cette édition."

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

Pour faire un commentaire, une suggestion, une critique, cliquez sur ce lien