Euphémisme

1970 On enlève le bas

Le temps des bas (carte Vidal Lablache de mon enfance)
Le temps des bas (carte Vidal Lablache de mon enfance)

"Le 13 avril 1970, après 180 ans d’existence, le département des Basses Alpes prend l’appellation d’Alpes de Haute Provence . Abandonnant son référentiel d’altitude, les Hautes-Alpes, pour celui du littoral méditerranéen, la Provence, il tire ainsi parti d’une qualification plus flatteuse, touristiquement parlant, que celles d’Alpes du Sud à laquelle il aurait tout aussi bien pu prétendre.

Signe évident que le but recherché est bien à l’usage des visiteurs des lieux : les indigènes restent définitivement des Bas-Alpins.

Ce changement d’identité s’inscrit dans un mouvement qui a déjà vu disparaitre les qualificatifs « bas » et « inférieur » d’autres départements qui s’étaient jusqu’alors fort bien accoutumés à leurs noms de baptême, lesquels leur avaient été attribués par décret de l’Assemblée Constituante le 4 mars 1790."

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Après la Charente Inférieure devenue maritime en 1942, "la mutation sémantique avait ensuite gagné le Seine Inférieure devenue pareillement maritime le 18 janvier 1955, la Loire Inférieure transfigurée en Loire Atlantique le 9 mars 1957 et les Basses Pyrénées rebaptisées elles aussi atlantiques le 10 octobre 1969.

On notera cette amélioration sensible de la précision apportée avec le remplacement de maritime par la référence à l’océan bordant les deux derniers départements. On est donc en droit de se demander pourquoi l’appellation de Seine Manchote (sur le littoral de la Manche) n’avait pas été retenue pour le département de la Haute Normandie."

 

Dans l'abécédaire est également évoquée la refonte des départements de l'Ile de France en 1968

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"Le plus croquignolet restait pourtant à venir avec le partage de la Corse en deux départements le 1 janvier 1976. La partie la plus proche du continent était dénommée Haute Corse et la partie la plus éloignée échappait à la dénomination sans doute jugée infamante (source additionnelle de sédition ?) de Basse Corse pour endosser le beau titre de Corse du Sud, l’autre ne devenant pas nordique pour autant …

Le terme de nord était en effet en passe d’être lui aussi proscrit. Ainsi, le 27 février 1990, les Côtes du Nord, souhaitant éviter toute assimilation au département du Nord, devenaient les Côtes d’Armor, une appellation à laquelle aurait tout aussi bien pu prétendre le département du Pas-de-Calais, côtes d’armor signifiant côtes de la mer, pléonasme au demeurant.

Cette phobie du nord et cet engouement pour le sud devaient gagner en 2003 un département qui n’était pourtant affecté d’aucun des qualificatifs tabous, la Saône et Loire qui prétendit un temps se métamorphoser en Bourgogne du Sud.

Mais l’Yonne aurait alors dû se muer en Bourgogne du Nord. Peut-être aurait-on pu contourner la difficulté en la gratifiant du titre de Haute Bourgogne … "

"Dans le même temps, à Reillane, village du département des Basses Alpes devenues de Haute Provence, sur la grande place, le café du Nord (parce qu’orienté au Nord et à l’abri du soleil) était devenu le café des Alpes (parce que faisant face aux Alpes) avant d’adopter une enseigne passe-partout perdant toute référence à quoi que ce soit susceptible d’évoquer une température frisquette. "

Photo de Siminane la Rotonde

"A quelques kilomètres de là, à Simiane la Rotonde, en haut de la rue qui dévale à pic du village perché, à côté du panneau fort justifié de limitation de vitesse à vingt kilomètres/heure , subsiste une archaïque indication peinte sur un morceau de bois informant sur la direction d’un « bas village » que nul n’imaginerait être ailleurs que dans le sens de la flèche.

Mais que fait donc le syndicat d’initiative ? "

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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