Baby-boomer
Encyclopédie
1959 Autodidactique, vraiment ?
"Dans les années cinquante, il y a au domicile de mes parents deux encyclopédies très différentes. L'une est dans la continuité des encyclopédies en plusieurs volumes imposants à la couverture
sombre et rigide. Elle porte son objet sur la tranche en lettres dorées: Encyclopédie autodidactique Quillet. Une dizaine de kilogrammes de connaissances variées, hétérogènes même comme on le
verra."
"L'autre encyclopédie, plus adaptée à mon âge, est infiniment plus modeste par son format en un seul volume guère plus encombrant que celui d'un roman. Néanmoins, sa couverture en couleurs affiche non sans vanité son ambition de rassembler en 950 pages les connaissances de 25 ouvrages (ambition tempérée par la simple division qui conduit à une moyenne de 38 pages par ouvrage!): il s'agit du mémento Larousse encyclopédique et illustré, «véritable encyclopédie des disciplines d'enseignement».
Les deux publications traitent pour l'essentiel des mêmes sujets au programme des lycées et collèges: le français, les mathématiques, la physique, la chimie, l'histoire, la géographie ..."
"Pourtant, la vocation autodidactique explicitement proclamée par la première a de quoi surprendre à deux titres:
- l'encyclopédie figée à sa dernière mise à jour en 1949 ne dispose d'aucun pouvoir d'auto-apprentissage (comme celui dont disposeront dans une certaine mesures les logiciels dits experts dans
les années quatre-vingt),
- le lecteur, lui, peut certes la consulter dans une perspective autodidactique mais on le voit mal digérer seul les 2800 grandes pages, méthode sténographique et dictionnaire des synonymes inclus."
"En outre, du fait précisément de son impuissance autodidactique, un certain nombre de connaissances rassemblées en 1949 sont caduques, ainsi par exemple:
- la France ne fait plus «profiter de sa civilisation la partie orientale de la péninsule indochinoise»,
- les téléviseurs ont perdu leur aspect de gros meuble sur pieds que présente en écorché une planche descriptive."
...
"Sans doute avec l'espoir de donner du cœur à l'ouvrage de l'autodidacte, l'encyclopédie Quillet propose un étonnant premier chapitre intitulé «pour réussir dans la vie», chapitre qui semble avoir échappé à la mise à jour de 1949 puisqu'il commence ainsi: «Depuis la grande guerre ...» (celle de 14-18 donc) et qu'il omet ensuite toute référence aux événements pourtant non négligeables survenus depuis lors. On y trouve des assertions pleines de bon sens comme, à la rubrique «Cultivez votre volonté»: «C'est notre volonté qui fixe notre destin». Mais d'autres préconisations comme par exemple celle-ci concernant l'hygiène de vie n'obtiennent sans doute pas l'unanimité du corps médical. Il en est ainsi de «Se doucher à l'eau froide au saut du lit».
Les «conseils aux parents éducateurs» ne laissent guère de place à la libre expression des chérubins: «Exigez une obéissance entière et immédiate sans protestations ni réticences»."
"Le mémento Larousse, également publié en 1949, n'est pas en reste dans sa rubrique consacrée à la morale à l'école: «L'enfant doit à son maître, comme à ses parents, l'obéissance, le respect et la reconnaissance» ajoutant que «Les premiers doivent s'abstenir de toute vanité et ceux qui réussissent moins bien n'en doivent éprouver aucune jalousie».
Ce mémento bien qu'infiniment plus concis que le Quillet aborde des sujets pratiques que ce dernier ne traite pas comme la cuisine, le jardinage, le «savoir-vivre moderne» et les formules à adopter dans la correspondance selon le contexte et le profil de ceux à qui l'on s'adresse.
Par cette extension à des domaines moins «scolaires», le mémento Larousse préfigure un peu l'encyclopédie destinée à une large audience Quid qui apparaîtra en 1963."
Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer
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