Eau

1967 Eau précieuse, dépensiers !

Fontaine
Fontaine de Cucuron - Légendes : "eau d'agrément non potable" et "ne pas salir l'eau", une précision nécessaire ...

"J’ai depuis longtemps appris que l’eau précieuse Dépensier était une lotion de beauté pour la peau mais, lorsque j’étais gamin, ces trois mots, sans doute entendus dans une « réclame » à la T.S.F., avaient pris un sens bien différent, un sens qui correspondait à la sagesse que tentaient de m’inculquer mes parents : l’eau était une denrée précieuse et ceux qui la gaspillaient devaient être stigmatisés comme d’irresponsables dépensiers.

 

Dans les domiciles où je vivais ou que je fréquentais, l’eau courante était partout disponible. Cependant, les fontaines et les puits n’avaient pas encore acquis une vocation décorative."

Cuisinière à bois

"Faute de chauffage central et même de chauffe-eau, l’eau chaude était fréquemment réservée aux maisons rurales quand de massives cuisinières au bois abritaient un ballon d’eau chaude (chez la cousine au Locheur et à la ferme du Boulay)."

"De plus, il arrivait que le robinet se tarisse. Ainsi, en vacances à Nacqueville au cap de la Hague, ce devait être en 1953, la distribution de l’eau avait-elle été interrompue durant plusieurs jours du fait, disait-on, de l’afflux, pourtant très relatif, des estivants. On rapporte que jusqu’aux années soixante, à Bandol, durant l’été, les robinets perdaient chaque jour leur vocation de 9 heures à 18 heures, que l’alimentation du littoral varois était assurée par des camions citernes et que les hôteliers distribuaient à chacun de leurs clients une bouteille d’eau minérale pour la journée."

"Du reste, certains hôtels n’offraient même pas du tout l’eau courante et il ne s’agissait pas de bouges minables mais d’établissements que le guide Michelin classifiait simplement « sans le confort moderne ». Un sigle composé d’une cuvette et d’un broc les identifiait (pour l’absence d’électricité, c’était un bougeoir). Ces établissements n’étaient pas nécessairement dans des localités éloignées de tout ou à des altitudes élevées. Ainsi, dans la version 1951 du guide rouge Michelin peut-on observer que l’hostellerie de l’ermitage, à Saint-Sever-Calvados, à mi-chemin de Villedieu les Poëles et de Vire, altitude 144 mètres, propose 10 chambres équipées de cuvettes et de brocs."

"Lorsqu’en 1967 je découvre la haute Provence et plus particulièrement le village de Reillanne où je viens officier comme moniteur de colonies de vacances pour deux mois, la situation de la mise à disposition de l’eau potable a déjà bien évolué.

Au plan national, des grands travaux, parfois financés dans le cadre du plan Marshall , ont été entrepris pour remettre en état les installations détruites et apporter l’eau courante dans des villages qui en étaient privés."

"En Provence, la construction du canal éponyme a été engagée trois ans auparavant et des actions locales ont été conduites pour réduire les pénuries qui se manifestaient périodiquement.

Ainsi, à Reillanne, qui ne comptait alors que six cents habitants, une solution a été trouvée pour satisfaire les besoins des villageois (la colonie du mas des près, en contrebas du village perché, ne craint rien puisqu’elle dispose de son propre point d’eau).

Pareillement, la cinquantaine d’habitants du village voisin de Lincel sont désormais à l’abri de la pénurie au terme d’une procédure délicate conduite par la mairie avec un propriétaire qui a fini par accepter de partager « son » eau.

Souvent les solutions locales ne suffisent pas. Ainsi à Forcalquier (3000 habitants à moins de 20 kilomètres de Reillanne), Jean-Yves Royer écrit : « … les robinets Forcalquièrens se retrouvaient l’été régulièrement à sec. On eût beau multiplier captages et pompages, il fallut attendre les années soixante et le Canal de Provence pour qu’enfin, avec le barrage de la Laye, on ne redoute plus la sécheresse à Forcalquier. », lequel conclut ainsi : « Une des grandes sources d’angoisse des siècles écoulés désormais tarie, l’eau cessait d’être le sujet d’une épopée pour devenir l’objet d’une facture parmi d’autres »."

 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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