Diesel

1951 Le bruit et l'odeur

La gare routière de Caen (aujourd'hui détruite)
Gare routière de Caen à son origine (juste avant la guerre)

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" De la gare SNCF de Caen à la gare routière, il y avait moins de deux kilomètres mais, avec les valises que mes parents emportaient pour les vacances chez la cousine Dupont au Locheur, il fallait prendre le bus de ville, lequel, après un parcours entre les déblais de gravats et les échafaudages de la reconstruction, nous conduisait à la gare routière des « courriers normands », rue Paul Doumer."

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Gare routière de Caen façade
Gare routière dans les années 50 (aujourd'hui détruite)

" Sans doute parce que la correspondance qui se faisait attendre me donna tout le temps d’observer le spectacle, je me souviens fort bien de la cour dans laquelle les autocars évoluaient et s’immobilisaient en épi. Dans cet espace enserré de murs, en plein centre-ville, le ronflement des moteurs variait en fonction des rotations mais ne s’interrompait jamais, certains chauffeurs laissant chauffer les moteurs de leurs engins en transit.

Habitant à Paris un boulevard haussmannien fréquenté, le bruit des moteurs m’était familier mais ce n’était pas un bruit de cette tonalité ; celui-là ne ressemblait à rien de connu, plus grondeur, plus bourdonnant.

Toutefois, ce n’est pas le bruit qui suscita le plus mon étonnement mais l’odeur entêtante qui stagnait dans cet espace cloîtré, une odeur dont je n’avais pas de mal à comprendre qu’elle émanait de ces cars qui ne se privaient pas de fumer plus que de raison.

Je sais aujourd’hui que cette odeur était celle du gasoil et j’en ai l’explication : les « courriers normands » étaient tous récents car le parc avait été anéanti lors des bombardements de juin 1944. Il se reconstituait progressivement passant de 3 exemplaires après les destructions à 73 en 1949 et atteindrait 260 en 1970. Après-guerre, la motorisation diesel des autocars avait pris le pas sur celle à essence et les nouveaux « courriers normands » étaient en majorité – si ce n’est en totalité – des Renault R4191 à cabine avancée équipés de moteurs diesel à 6 cylindres."

" Ma découverte tardive et soudaine du diesel peut paraître à proprement parler incroyable au lecteur de ce siècle. En voici l’explication : " ...

" ...à Paris, il n’y avait guère d’autocars et de camions, pas de tracteurs et les voitures étaient exclusivement équipées de moteurs à essence.

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On pourrait aussi argumenter sur la présence de nombreux autobus, à défaut d’autocars. Ce serait ignorer que les autobus parisiens utilisaient un carburant dit « ternaire » parce qu’il était composé à parts égales d’essence, de pétrole et de benzol .

Quant aux camions qui pénétraient dans la capitale (notamment pour assurer l’approvisionnement des halles), beaucoup d’entre eux disposaient encore de moteurs à essence et tel serait le cas jusque dans les années soixante. Ainsi par exemple, Simca commercialiserait un 5 tonnes à moteur V8 essence à partir de 1957 et Hotchkiss un modèle de 3,5 à 5,7 tonnes disponible au choix avec un moteur essence ou diesel à partir de 1965 .

Des tracteurs agricoles à Paris, il ne fallait pas escompter en rencontrer (même à la campagne, ils étaient encore dans une compétition indécise avec les attelages à chevaux …), et bon nombre d’entre eux, infiniment moins colossaux que ceux d’aujourd’hui, se satisfaisaient de modestes moteurs à essence."

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Bus Renault

"A la gare routière, notre car à destination de Villers-Bocage finit tout de même par se montrer dans ses couleurs pimpantes vert pré et jaune paille (c’était bien le moins pour un véhicule affichant ostensiblement ses origines normandes) ...

A l’intérieur, il ne devait pas être plus bruyant que cela car je n’ai pas gardé de souvenir auditif de la quinzaine de kilomètres qui nous menèrent de Caen à Noyers-Bocage.

Là, la porte coulissante de nouveau franchie, sur la route de Bretagne, près du bar-tabac, l’homme à tout faire de la cousine nous attendait avec la carriole qui, par un chemin bordé de hautes haies, nous conduirait au Locheur, quelques trois kilomètres un peu en contrebas, dans le claquement des sabots et les senteurs du crottin.

Autres sensations..."

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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