Commerce

1976 Petites enseignes en grand péril

Carrefour Saran photo du film Police Python 357 tourné en 1976 par Alain Corneau
Carrefour Saran photo du film Police Python 357 tourné en 1976 par Alain Corneau

 

Ayant quitté Paris pour l'Orléanais trois ans auparavant, nous découvrons l’hypermarché, en l’occurrence le Carrefour de Saran, ouvert en 1971 en banlieue Nord d’Orléans. C’est la grande époque des «produits libres». Il s’agit en fait de produits vendus sous des marques propres à Carrefour supportées par une campagne de publicité utilisant astucieusement des thèmes des organisations de consommateurs

Affiche publicitaire vantant les "produits libres"

 (tests de qualité réalisés par des organismes indépendants, rejet de la « tyrannie des marques» …). La formule n’est pas nouvelle - ainsi, Monoprix avait-il lancé dès la fin des années 40 les marques Kerbronec (invention pure au relent d’embruns bretons) et Beaumont - mais elle est relancée avec talent et succès et ouvrira la voie à la généralisation des marques de distributeurs.

 

A Orléans même, le petit commerce est encore apparemment assez peu affecté par les grandes surfaces et les enseignes des commerces semblent en majorité familiales.

L’une d’entre elles notamment, commerce de chaussures de la rue Adolphe Crespin, loin de se dissimuler derrière la marque de chaussures quasi-inusables Paraboot qu’il commercialise, affiche fièrement son identité familiale au fronton du magasin : Yvon Anchier.

 

En face, sur deux où trois niveaux : une quincaillerie dont le contenu est fort peu différent de celui du sous-sol du Bazar de l’Hôtel de Ville parisien de mon enfance. Nous y trouvons notamment le petit outillage pour la maison et le jardin.

 

Le plus surprenant de tous les commerces orléanais est ce marchand de couleurs à un emplacement prestigieux de la ville : l’angle de la rue Royale et du quai du Châtelet, en bordure de la Loire.

 

Rue de Bourgogne, on peut encore faire son marché. La Rue de la République n’est pas envahie par des commerces de dépôts d’objets plus ou moins superflus. On peut encore notamment y faire confectionner un abat-jour personnalisé dans une boutique de luminaires et, un peu plus bas, y déguster des pâtisseries artisanales et originales.

Ce que sont devenus ces commerces (en 2016)

Les bords de Loire dédiés au stationnement avant la réhabilitation
Les bords de Loire dédiés au stationnement avant la réhabilitation

 

La ville de 1976, dans laquelle la voiture s’incruste dans les moindres recoins, dont les quais sont transformés en parkings et dont le centre est laissé en jachère est certes moins agréable à vivre qu’elle ne l’est devenue ces dernières années.

 

Cette heureuse évolution, qui invite à la promenade, fait d’autant plus regretter la disparition des enseignes locales qui répondaient à des attentes indépendantes des conditionnements de la publicité à un niveau national.

Les petites enseignes sont en effet progressivement supplantées par celles que l’on dit grandes parce qu’elles sont fortes de leurs marges bénéficiaires obtenues au détriment de jobards qui comptent attacher à leurs personnes la renommée des marques dont ils s’affublent, souvent avec ostentation, à l’image des « vedettes » en vue.

 

Une publicité, justement, ne prétendait-elle pas pourtant avec une certaine pertinence : « l’important, c’est ce qu’il y a dans la boîte » ?

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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