Bistrot

1964 Ivresse de proximité

Ouvriers dans un café à Paris en 1958
Ouvriers dans un café à Paris en 1958

"Les bistrots, les débits de boisson en général, ont toujours été très sévèrement jugés dans mon entourage. Mes parents stigmatisaient sans retenue les piliers de comptoirs tout autant que les travailleurs qui s’empressaient chaque fin de mois de dilapider une partie de la paie qu’ils venaient de percevoir (en liquide …) pour s’enivrer plus ou moins profondément.

Autant dire que mes souvenirs d’enfance de bistrots sont fugitifs et imprégnés de cette absence de mansuétude familiale. En y réfléchissant bien, je les classerai en trois catégories :

• A la campagne, les salles de bistrots entrevues sont celles qui jouxtent les commerces de proximité qui vendent un peu de tout. C’est surtout là que l’on déniche les habitués bien connus des autres villageois. Certains recherchent la compagnie (le « tissage d’un lien social » comme l’on dit aujourd’hui) et le « passage du temps », d’autres un refuge dans une ivresse protectrice de la vraie vie;

Livraison du charbon à Paris en 1940
Livraison du charbon à Paris en 1940

• A Paris, les bistrots sont rarement associés à des commerces de bouche. En revanche, ils le sont souvent à des négoces « bois et charbon », les bougnats. J’accompagne ma mère à celui, tout proche, de la rue Geoffroy Saint-Hilaire où il faut bien pénétrer pour commander boulets et anthracite. Le charbon était un combustible très répandu et les bougnats, sacs sur les épaules et visages noircis par le poussier faisaient parti du décor des rues;

• Autre incursion inévitable, celle liée chaque année (depuis 1956) à l’acquittement du montant de la vignette automobile, activité étrangement confiée à des débits de boissons plutôt qu’aux préfectures ou aux mairies."

Charrette à bras devant un commerce "Charbons-Vins-Liqueurs"
Charrette à bras devant un commerce "Charbons-Vins-Liqueurs"
Terrasse du café "La Palettte" à Paris 6ème en 1960
Terrasse du café "La Palettte" à Paris 6ème en 1960

"A Paris comme dans la campagne bas-Normande où je passais mes vacances, les bistrots étaient en grand nombre. Dans les villages, ils masquaient soigneusement leurs clients derrière des devantures tendues de rideaux tandis qu’à Paris la discrétion était moins bien assurée et que certains offraient même aux beaux jours quelques places en terrasse."

...

"Les bistrots parisiens avaient été une source d’inspiration pour les écrivains et pour les auteurs de chansons (on observera que, curieusement, les bistrots campagnards n’avaient pas suscité chez eux le même intérêt)."

Jacques Prévert en terrasse
Jacques Prévert en terrasse

"Georges Ulmer avait ainsi portraituré Pigalle en 1944 comme « un p’tit jet d’eau, une station de métro entourée de bistrots ». Dans les années soixante, le thème du bistrot parisien faisait florès dans plusieurs chansons : « bistrot » interprété par Lucienne Delyle en 1960, « le bistrot » par Georges Brassens la même année et « les petits bistrots » par Jean Ferrat en 1962. En 1966, Henri Tachan composerait « au bougnat »."

"Des bistrots constituaient également le cadre principal de films comme « Porte des Lilas » et « Les vieux de la vieille »."

"Zinc, nappes à carreaux, banquettes de moleskine, percolateur, …, les bistrots semblaient bien installés dans notre paysage familier et il me semble que personne n’aurait anticipé leur inéluctable dépérissement."

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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