Applaudissement

2001 Accompagnement bien peu musical

"Dans les années 50-60, il n'existait pas d'émissions d'entretiens avec des notoriétés du moment qui se déroulent en présence d'un public.

 

Soit les artistes soumettaient leur prestations à un public dans une salle de spectacle, soit ils discouraient avec des journalistes en studio. Deux émissions l'illustrent:

  • du mardi au vendredi, à l'ouverture du programme, à 12heures 30, Jacques Chabannes et Roger Féral recevaient en direct des écrivains et artistes. Cela s'était appelé Télé-Paris pour devenir à la fin des années cinquante, alors que mes parents avaient acquis un téléviseur, Paris-Club. C'était l'ancêtre des nombreuses émissions de ce type qui existent aujourd'hui mais sans public, sans musiquette et sans afféterie.
  • d'autres prestations d'artistes étaient enregistrées en public. C'était typiquement le cas de «Trente-six chandelles» de Jean Nohain. Là bien entendu, il y avait des applaudissements mais ceux-ci marquaient la satisfaction du public en contrepartie d'une prestation comme dans n'importe quelle salle de spectacle.
Petit Bobo alias Pierre Maguelon chez Jean Nohain
Petit Bobo alias Pierre Maguelon chez Jean Nohain

La séquence dans laquelle intervient Petit-Bobo (un habitué des cabarets devenu plus tard Pierre Maguelon), patronné par Mireille et accueilli par Jean Nohain constitue une bonne illustration. Son entrée est saluée par des applaudissements de bienvenue peu nourris. S'écoulent ensuite six minutes durant lesquelles il nous conte, sans interruption du public, une histoire de poissons avant que ne retentissent les premiers applaudissements. Qui imaginerait un producteur confiant aujourd'hui à une heure de grande écoute six minutes à un débutant pour qu'il raconte des histoires de poissons sans irruption de l'animateur, des spectateurs ou de la publicité ?

Les années soixante et soixante-dix, marquées par les shows de Maritie et Gilbert Carpentier, ne changeront guère la donne.

A partir des années quatre-vingt, la place des "peoples', dont la notoriété n'est pas toujours liée à un talent particulier, devient plus importante et les interventions du public sont progressivement plus intempestives.

Le changement de millénaire coïncide avec la généralisation des applaudissements sans bénéficiaire identifié. Quelques extraits d'émissions en attestent. Il en est ainsi de cette séquence de «Pyramide» le 4 juillet 2014 durant six minutes dont près de la moitié est accompagnée d'applaudissements sans que l'on puisse déterminer à qui ou à quoi ces marques d'enthousiasme s'adressent.

Chuaffeur de salle au travail

Même en présence d'un «bon public», il est difficile de croire à la spontanéité de l'assistance. Là intervient le rôle du chauffeur de salle qui, ainsi que son titre le laisse supposer, a pour rôle d'inciter les spectateurs à se montrer extravertis aux moments opportuns avant que les invités n'entrent en scène. Il orchestrera ensuite les «réactions spontanées» à l'aide de signes convenus ou, mieux encore, de panneaux intimant les ordres de comportements escomptés (applaudissez, riez, esclaffez-vous, tapez des pieds …).

Il paraît même que dans certaines émissions diffusées en différé, pour plus de sécurité,les «réactions spontanées» sont enregistrées avant que le spectacle ne commence, charge au monteur de les placer ensuite aux bons endroits.

 

Cela a peut-être un effet euphorique sur les téléspectateurs candides mais, en ce qui me concerne, ayant démasqué le stratagème, cet accompagnement bien peu musical a pour don de m'agacer presque autant que les tics de langage du moment (les «voilà», les "c'est clair", les «au quotidien», les «rien qu'du bonheur", les «y a pas d'souci»…) de certains des invités acclamés. 

Textes entre guillemets extraits de l'Abécédaire d'un baby-boomer

 

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